WebLettres : Dossiers et synthèses

Localisation dans les rubriques :
Les synthèses des listes collège et lycée Les synthèses de la liste Profs-L


Article : [913] - L’ivresse dans l’art et la littérature


vendredi 3 janvier 2014

Par François Freby

Il s’agissait de trouver des textes où un personnage est ivre ou gris.
Synthèse mise en ligne par Murielle Taïeb.

Pièces de théâtre

  ANOUILH J., La Répétition ou l’Amour puni
  BEAUMARCHAIS P.-A., Le Barbier de Séville
A la scène 12 de l’acte II, le comte, dans le but de communiquer avec Rosine se présente « en uniforme de cavalerie, ayant l’air d’être entre deux vins et chantant : "Réveillons-la, etc." ». Il tient ainsi un double discours, l’un à voix haute à Bartholo, l’autre à Rosine. Cette fausse ivresse continue en II, 13 et 14 et Lindor (le comte) tente de faire passer une lettre à Rosine tout en affirmant à Bartholo qu’il a un ordre le logeant chez lui. L’ivresse est ici à la fois un procédé dramatique, elle permet de faire avancer l’action en faisant passer la lettre, et un procédé comique, elle permet au comte de dire ce qu’il veut et d’insulter Bartholo.
  BRECHT B., Maître Puntila et son valet Matti
Toute cette pièce est construite sur la dualité du propriétaire terrien Puntila : lorsqu’il a bu, il se comporte avec humanité, se montre doux et prévenant envers les autres, ouvrant aussi bien son cÅ“ur que sa bourse ; mais dès qu’il est à jeun, il retrouve toutes les mauvaises qualités du capitaliste, en se comportant de façon odieuse et dure envers ses proches. L’ivresse a une fonction comique (la pièce est vraiment comique !), satirique (le maître est ridiculisé, tient des propos contre lui-même et contre sa position sociale, lorsqu’il est ivre) et donc soutient la portée politique de cette pièce qui s’achève par ces paroles révolutionnaires du valet Matti : « Un bon maître, [les valets de Puntila] en auront un / Dès que chacun sera le sien. » Remarque : le personnage de Puntila peut faire penser au millionnaire du film Les Lumières de la ville de Chaplin, qui est triste, suicidaire quand il est sobre, et gai, généreux quand il est ivre.
  FEYDEAU G., La Dame de chez Maxim
Dans un registre franchement comique, bonnes scènes, dont le début de cette pièce avec un réveil très drôle après une « cuite » d’un jeune homme de bonne famille qui trouve dans son lit une fille très inattendue.
  GRANOUILLET G., Les anges de Massilia
Un tableau où les personnages sont grisés, perdus au milieu de la peste qui sévit.
  HUGO V., Ruy Blas
Dans tout l’acte IV, Don César est ivre, accumulation comique de surprises et de malentendus, mais l’issue de ses bévues vineuses sera tragique pour Ruy Blas et la Reine...
  IONESCO E., Rhinocéros
Dans la scène d’exposition, le personnage de Bérenger est gris. Jean lui reproche son alcoolisme et se pose en exemple. La scène révèle le caractère des deux personnages ; l’intransigeance de Jean annonce sa transformation en rhinocéros.
  MARIVAUX P., L’Ile des esclaves
L’exposition où le valet Arlequin n’est pas ivre à proprement parler mais la seule chose qu’il a sauvée du naufrage est sa bouteille à laquelle il s’accroche fermement et qu’il ne veut guère partager.
  MOLIERE, Le Médecin malgré lui
La scène 5 de l’acte I où Sganarelle entre en chantant et en buvant et fait l’éloge de sa bouteille en la personnifiant comme une femme aimée.
  MUSSET A. de, Fantasio
A la scène 2 de l’acte I, le personnage éponyme s’enivre sous le coup d’un désespoir où l’on reconnaît le mal du siècle. C’est donc en état d’ivresse qu’il prend une décision - qui lance l’action de la comédie - dont il se félicitera : occuper la place du bouffon du palais qui vient de décéder, dans le royaume de Bavière ; il y trouve une liberté de parole semblable à celle de l’ivresse, où s’épanouit la fantaisie désabusée de Musset.
  MUSSET A. de, Les Caprices de Marianne
Le personnage d’Octave : l’ivresse le campe en personnage dévoyé mais plaisant (acte I, scène 1).
  MUSSET A. de, Lorenzaccio
Le personnage de Lorenzo : l’ivresse et la débauche sont une feinte pour assassiner le duc.
  MUSSET A. de, On ne badine pas avec l’amour
Tout au long de la pièce, l’ivrognerie des représentants de la religion et/ou d’une certaine « Ã©ducation » (maître Blazius et maître Bridaine) participe de la satire anticléricale et/ou contre le pédantisme qu’affectionne Musset.
  OBALDIA R., Deux femmes pour un fantôme
Au début, Brigitte seule en scène se sert une copieuse rasade de gin et devient assez exubérante dans l’anticipation du dialogue qu’elle aura bientôt avec sa rivale. Elle fait quelques gestes bizarres, comme déposer ses chaussures sur la table, devient expansive dans sa parole. L’enjeu dramatique de la scène est la crédibilité des arguments que cette femme se prépare à employer, en même temps que la maîtrise de ses émotions. Le texte est dans les Annales de 2006 sur le site Magister de Philippe Lavergne.
  O’CASEY S., Junon et le paon (Juno and the paycock)
L’histoire d’une famille brisée par la révolution irlandaise. La scène d’ivresse du père, dans ce mélodrame naturaliste, a quelque chose de shakespearien : un songe plein de bruit et de fureur raconté par un idiot.
  SHAKESPEARE W., Othello
Shakespeare se sert de l’ivresse provoquée de Cassio pour initier sa chute et faciliter la dégradation de Desdémone aux yeux du Maure de Venise. Iago a inoculé des soupçons, dans l’esprit d’Othello, selon lesquels son lieutenant Cassio serait l’amant de son épouse. Ainsi, à la scène 3 de l’acte II, le diabolique Iago incite Cassio à s’enivrer de sorte qu’il commette un impair. Et en effet, Cassio devient querelleur alors qu’Othello lui avait confié le commandement à Chypre tandis qu’il se délassait. Cassio se bat contre un homme de son Etat, un Vénitien. Othello démet alors Cassio de son grade d’officier. Iago avait prévu que Desdémone, l’épouse d’Othello, intercéderait vivement en faveur du lieutenant dégradé. Les interventions réitérées de Desdémone accroissent les soupçons d’Othello. Au-delà de ce rôle de l’ivresse, qui est donc une péripétie importante, Shakespeare donne ici une image dévalorisante de l’homme ivre, avec, entre autres jugements péjoratifs, ces regrets de Cassio : « Faut-il que les hommes s’introduisent un ennemi dans la bouche pour qu’il leur vole la cervelle ! »
  SHAKESPEARE W., Henry IV et Les joyeuses Commères de Windsor
Le personnage de Falstaff est un ivrogne.
  VON HOVARTH O., Casimir et Caroline
La grande ivresse au cours de la fête de la bière à Munich.

Récits

  La Bible : l’ivresse de Noé, aux terribles conséquences pour l’un de ses fils, Cham... Un jour que son père était ivre, Cham le vit nu et en informa ses frères, qui le rhabillèrent en lui tournant le dos. Lorsqu’il eut décuvé, Noé maudit Canaan, fils de Cham, en le déclarant serviteur de Sem. On appelle souvent cet épisode la Malédiction de Cham.
  BLONDIN A., Un singe en hiver
La totalité de ce roman est consacrée à deux alcooliques indécrottables.
  BUCHOWSKY C., Pulp, Women
Un pro de l’ivresse. Voyez ce qu’il fit chez Bernard Pivot en 1978 : http://www.youtube.com/watch?v=r_FmMqMu_9k Une citation dans Women : « C’est ça le problème avec la gnôle, songeai-je en me servant un verre. S’il se passe un truc moche, on boit pour essayer d’oublier ; s’il se passe un truc chouette, on boit pour le fêter, et s’il ne se passe rien, on boit pour qu’il se passe quelque chose. »
  CARRERE E., Limonov
De nombreuses pages où Limonov boit jusqu’à l’ivresse (il parle même de ces sortes de jeux russes).
  CHABALIER H., Le Dernier pour la route (2004)
Un témoignage contemporain, adapté au cinéma dans un film interprété par François Cluzet.
  DARD F., Fleur de nave vinaigrette
Bérurier ivre téléphone du Japon à sa femme pour lui dire qu’il la quitte pour une Américaine rencontrée par hasard. Ayant dessaoulé il se ravise ; mais Berthe meurtrie lui promet une raclée à son retour.
  DIDEROT D., Jacques le Fataliste
Le récit que fait l’hôtesse des aventures de Mme de la Pommeraye et du marquis des Arcis se déroule alors que Jacques et son maître éclusent au moins quatre bouteilles d’excellent champagne. Jacques est ivre. Son maître a la tête « un peu chaude ».
  DOSTOIEVSKI F., Crime et châtiment
  DOUBROVSKY S., Le Livre Brisé
Autofiction (Prix Médicis) où l’auteur dépeint sa relation passionnelle avec Ilse, qui finit par mourir d’un coma éthylique lors de l’une de ses absences. Sur le plateau d’Apostrophes, l’auteur fut implicitement accusé de meurtre/ à tout le moins d’immoralité, puisque n’hésitant pas à faire un livre de ce sujet scandaleux (l’alcoolisme de la femme aimée). L’écriture est tout à fait singulière mais sans doute intéressante à exploiter avec des élèves (en évitant les passages trop crus).
  DURAS M., Moderato Cantabile
L’ivresse de l’héroïne lui permet de voir avec lucidité le ridicule du dîner bourgeois familial auquel elle assiste de retour du café où elle a rencontré un homme (cf. la scène du saumon).
  ROCHEFORT C., Le Repos du guerrier (1958)
Roman adapté au cinéma par Vadim, une petite bourgeoise tombe follement amoureuse d’un homme qui se détruit par l’alcool.
  TOLSTOI L., Anna Karénine ou Guerre et paix
L’alcool est partout présent. Dans Guerre et Paix par exemple le sacripant qui vole Natacha au prince André fait au début du roman le pari de boire une bouteille de vodka sur le rebord d’une fenêtre et y parvient de justesse.
  VIAN B., J’irai cracher sur vos tombes
Ce roman contient d’assez nombreuses scènes mêlant ivresse et sexualité.
  ZOLA E., L’Assommoir
La déchéance de Coupeau, la tragédie de Gervaise, la violence meurtrière du père de Lalie... L’étude naturaliste de l’alcoolisme contribue à poser la question sociale.

Remarque : L’ivresse en littérature doit se trouver dans la « beat littérature » accompagnée de drogues diverses et de musiques planantes. Fonction : le réalisme pour une certaine génération souvent biturée, le côté rock’n roll de cette ivresse et le romantisme noir qui en découle : être toujours ivre pour fuir un monde déprimant, pour accéder aux portes des nouvelles sensations etc. Beaucoup d’alcool aussi dans les romans noirs : souvent le héros se saoule pour supporter son métier de policier ou de détective privé, pour supporter que de très jeunes filles soient violées par des hommes âgés.

Essais

  MONTAIGNE M. de, Essais (II, 2), « Sur l’ivrognerie » (traduction d’André Lanly)
« Le pire état de l’homme, c’est quand il perd la connaissance et le contrôle de lui-même », écrit Montaigne mais l’attaque contre ce vice, dans l’ensemble de ce chapitre, est modérée par quelques nuances et distinctions. L’édition d’André Lanly signale en note : « La source principale de cet Essai est Sénèque, en particulier Lettres à Lucilius, LXXXIII et De Tranquilitate animi. »
  NIETZSCHE F., Le Crépuscule des Idoles , « Flâneries inactuelles » 8 et 9
L’ivresse comme facteur esthétique.
  NOURRISSON D., Crus et cuites. Histoire du buveur
Présentation sur le site de France Culture : https://www.franceculture.fr/emission-l-essai-et-la-revue-du-jour-histoire-du-buveur-revue-le-rouge-le-blanc-2013-07-12

Poèmes

  APOLLINAIRE G., Alcools, « Nuit rhénane », « Vendémiaire »
  BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal, Section « Le Vin »
Cinq poèmes dont « Le vin des amants », « Le vin des chiffonniers », « L’âme du vin », « Enivrez-vous »...
  CHENIER A., Poésies antiques, « Bacchus »
  NERUDA P., Odes élémentaires et Nouvelles Odes élémentaires, « Oda al vino »
  RABELAIS F., Cinquième Livre, « La dive bouteille »
Poème à la gloire du vin.
  RIMBAUD A., Illuminations, « Matinée d’ivresse »

Chansons

  BRASSENS G., Les Copains d’abord, « Le grand Pan »
  DIMEY B., « Ivrogne et pourquoi pas ? »
  KNX Crew, Le Futur est caniche, « La fièvre du dimanche matin »

Films

  BLIER B., Notre histoire (1984)
  GODEAU P., Le Dernier pour la route (2009)
  LAUTNER G., Les Tontons flingueurs (1963)
Le film est adapté du roman Grisbi or Not Grisbi d’Albert SIMONIN.
  VADIM R., Le Repos du guerrier (1962)
  VERNEUIL H., Un Singe en hiver (1962)

Tableaux

  CARAVAGE M., Bacchus
Visage désenchanté de l’ivresse
  VINCI L. de, Bacchus

Ressources complémentaires

  Sur le site Le guichet du savoir, a été posée la question suivante : « Je cherche des scènes de théâtre (français et étranger de toute époque) dans lesquelles le vin, ou l’ivresse est présente. » Réponse : http://www.guichetdusavoir.org/viewtopic.php?f=2&t=48228
  Une sélection d’auteurs chantant le vin, sur le site de Château Corbiac : http://www.corbiac.com/vin/poems.html

Synthèses utiles

[148] Le Vin
[105] Le thème de l’alcoolisme


Ce document constitue une synthèse d’échanges ayant eu lieu sur Profs-L (liste de discussion des professeurs de lettres de lycée) ou en privé, suite à une demande initiale postée sur cette même liste. Cette compilation a été réalisée par la personne dont le nom figure dans ce document. Fourni à titre d’information seulement et pour l’usage personnel du visiteur, ce texte est protégé par la législation en vigueur en matière de droits d’auteur. Toute rediffusion à
des fins commerciales ou non est interdite sans autorisation.

©WebLettres
Pour tout renseignement :

Contact

- Dernières publications de François Freby :

[1065] - Apprécier notre monde à sa miraculeuse valeur

[1 007] - Duels argumentatifs dans la littérature

[1 006] - Le mythe de la tour de Babel

[967] - Phrases célèbres et Question de l’Homme

[946] - La solitude en poésie



- Les derniers articles dans la même rubrique :

[1 207] - Lectures cursives avec Corneille

[1 206] - Lectures cursives avec Musset

[1 205] - Les manipulations grammaticales



Si vous souhaitez publier une synthèse,
merci de contacter directement Corinne Durand Degranges.
Si vous souhaitez proposer un article, utilisez cette page : https://www.weblettres.net/index3.php?page=contact.


Contact - Qui sommes-nous ? - Album de presse - Adhérer à l'association - S'abonner au bulletin - Politique de confidentialité

© WebLettres 2002-2024 
Positive SSL