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Article : [1065] - Apprécier notre monde à sa miraculeuse valeur


vendredi 30 octobre 2015

Par François Freby

Il s’agissait de constituer un groupement de textes « optimistes », au sens philosophique, quasi leibnizien, du terme : tout n’est pas si mal dans notre monde !
Synthèse mise en ligne par Murielle Taïeb.

Le point de dĂ©part de ce projet de groupement de textes est un extrait de Terre des hommes d’Antoine de Saint-ExupĂ©ry (1939) :
« PrĂ©vot, dans les dĂ©bris, a dĂ©couvert une orange miraculeuse. Nous nous la partageons. J’en suis bouleversĂ©, et cependant c’est peu de chose quand il nous faudrait vingt litres d’eau.
CouchĂ© près de notre feu nocturne je regarde ce fruit lumineux et je me dis : " Les hommes ne savent pas ce qu’est une orange"… »
On en dĂ©duit une « philosophie » : apprĂ©cier les choses non pas seulement Ă  leur juste valeur, mais Ă  leur miraculeuse valeur. On recherche donc des extraits qui prĂ©sentent la « miraculeuse valeur » d’une invention, d’un progrès technologique, d’une caractĂ©ristique humaine, d’un acte individuel, d’un phĂ©nomène ou une Ă©volution de la sociĂ©tĂ©, d’un objet, d’un « don » de la vie, etc.

Apprécier l’électricité à sa miraculeuse valeur

  VILLIERS DE L’ISLE-ADAM A., L’Eve future, 1886
L’éloge de l’électricitĂ© et, plus gĂ©nĂ©ralement, des inventions d’Edison :
« […] un soir de ces derniers automnes, vers cinq heures, le merveilleux inventeur de tant de prestiges [Edison], le magicien de l’oreille (qui, presque sourd lui-mĂŞme, comme un Beethoven de la Science, a su se crĂ©er cet imperceptible instrument ― grâce auquel, ajustĂ© Ă  l’orifice du tympan, les surditĂ©s, non seulement disparaissent, mais dĂ©voilent, plus affinĂ© encore, le sens de l’ouĂŻe ― ), Edison, enfin, s’était retirĂ© au plus profond de son laboratoire personnel, c’est-Ă -dire en ce pavillon sĂ©parĂ© de son château. »

  Edison prĂ©sente l’andrĂ©ide Hadaly Ă  Lord Ewald.
« â€• Quant Ă  son alimentation, reprit-il [Edison]…
[…]
― Qu’entendez-vous par « son alimentation », mon cher magicien ? dit lord Ewald. Cette fois, je l’avoue, la chose dĂ©passe les rĂŞves les plus fantaisistes !
― Voici la nourriture que prend, une ou deux fois la semaine, Hadaly, répondit Edison. […] lorsqu’elle ne trouve pas ces aliments sous sa main au moment où elle les désire, elle s’évanouit ou, pour mieux dire, elle meurt.
― Elle meurt ?… murmura le jeune lord en souriant.
― Oui, pour donner Ă  son Ă©lu le plaisir vraiment divin de la ressusciter. »

  ROBIDA A., Le Vingtième siècle. La vie Ă©lectrique, 1890
Un roman d’anticipation :
« […] Cette invention permet non seulement de converser Ă  de longues distances, avec toute personne reliĂ©e Ă©lectriquement au rĂ©seau de fils courant le monde, mais encore de voir cet interlocuteur dans son cadre particulier, dans son home lointain. Heureuse suppression de l’absence, qui fait le bonheur des familles souvent Ă©parpillĂ©es par le monde, Ă  notre Ă©poque affairĂ©e, et cependant toujours rĂ©unies le soir au centre commun, si elles veulent, — dĂ®nant ensemble Ă  des tables diffĂ©rentes, bien espacĂ©es, mais formant cependant presque une table de famille. »
Ces lignes sont antĂ©rieures Ă  1890 : elles dĂ©crivent Skype !

Apprécier la lumière à sa miraculeuse valeur

  LE CLEZIO J.M.G., L’Inconnu sur la terre, 1978 :
« J’aime la plus belle des lumières, chaude, jaune, celle qui apparaĂ®t quelquefois l’après-midi sur le mur d’une chambre face au sud. […] »

Apprécier les nuages à leur miraculeuse valeur

  LE CLEZIO J.M.G., L’Inconnu sur la terre, 1978 :
« Dans le ciel vivent les nuages. Ils sont nombreux, et lĂ©gers, lĂ©gers. Ils traversent l’espace, sans se presser, ils passent lentement au-dessus de la terre, comme cela, tout gonflĂ©s comme des voiles, ou bien allongĂ©s comme des lambeaux de linge. Ils sont beaux ! […] »

Apprécier les aliments à leur miraculeuse valeur

  LE CLEZIO J.M.G., L’Inconnu sur la terre, 1978 :
« J’aime le pain. La crĂ©ation du pain est tout Ă  fait extraordinaire, l’un des actes les plus importants imaginĂ©s par l’ĂŞtre humain. […] »
« Si je devais collectionner quelque chose, ce seraient les lĂ©gumes. J’aime les voir sur les Ă©tals des marchĂ©s, en vrac, ou bien rangĂ©s et calibrĂ©s dans des cagettes de bois blanc. […] »
« Je pense au miel comme Ă  une personne. Je veux dire une personne vivante, avec son corps et son visage, son caractère, son langage, sa pensĂ©e. Il y a autant de personnes que de variĂ©tĂ©s de miel. […] »

  DU CAMP M., Souvenirs littĂ©raires :
« â€¦la glace au citron est digne d’être cĂ©lĂ©brĂ©e ; on remplit la cuiller, ça fait un petit dĂ´me, on l’écrase doucement entre la langue et le palais ; ça fond lentement, fraĂ®chement, dĂ©licieusement ; ça baigne la luette, ça frĂ´le les amygdales, ça descend dans l’œsophage qui n’en est pas fâchĂ©, et ça tombe dans l’estomac qui crève de rire tant il est content. »

  PROUST M., A la Recherche du temps perdu : la glace au citron d’Albertine, la madeleine, et le bĹ“uf en gelĂ©e de Françoise…

Apprécier le sourire à sa miraculeuse valeur

  LE CLEZIO J.M.G., L’Inconnu sur la terre, 1978 :
« Ce qu’il y a de plus Ă©mouvant dans le visage de l’homme : le sourire. […] »

Apprécier notre temps, nos mœurs à leur miraculeuse valeur

  VOLTAIRE, Le Mondain, 1736 : le prĂ©sent, le monde tel qu’il est et va suscitent une satisfaction, une gratitude.
« […] Moi , je rends grâce Ă  la nature sage
Qui, pour mon bien, m’a fait naître en cet âge
Tant dĂ©criĂ© par nos tristes frondeurs :
Ce temps profane est tout fait pour mes mœurs.
J’aime le luxe, et même la mollesse,
Tous les plaisirs, les arts de toute espèce,
La propretĂ©, le goĂ»t, les ornements :
Tout honnĂŞte homme a de tels sentiments. […] »

Apprécier les progrès de la médecine à leur miraculeuse valeur

  KERANGAL M. de, RĂ©parer les vivants, 2014 : certains extraits peuvent Ă©galement ĂŞtre lus avec un Ă©merveillement pour le gĂ©nie et la gĂ©nĂ©rositĂ© humains :
« Le cĹ“ur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d’autres provinces, ils filaient vers d’autres corps. »

Apprécier des sensations diverses à leur miraculeuse valeur

  COLETTE, Le Voyage Ă©goĂŻste, 1922 : La narratrice est malade, avec de la fièvre :
« Donnez-moi seulement un verre d’eau glacĂ©e ; je veux un verre tout uni, un gobelet sans dĂ©faut et sans parure, mince, plaisant aux lèvres et Ă  la langue, plein d’une eau dansante et qui semble, Ă  cause du plateau d’argent, un peu bleue – j’ai soif… »

  VALERY P., Eupalinos ou l’Architecte, 1921 :
« J’ai trouvĂ© une de ces choses rejetĂ©es par la mer ; une chose blanche, et de la plus pure blancheur ; polie et dure, et douce, et lĂ©gère. Elle brillait au soleil, sur le sable lĂ©chĂ©, qui est sombre et semĂ© d’étincelles. Je la pris, je soufflai sur elle ; je la frottai sur mon manteau, et sa forme singulière arrĂŞta toutes mes autres pensĂ©es. […] C’était peut-ĂŞtre un ossements de poisson bizarrement usĂ© par le frottement du sable fin sous les eaux ? Ou de l’ivoire taillĂ© pour je ne sais quel usage, par un artisan d’au-delĂ  les mers ? »

  COPPEE F., Promenades et intĂ©rieurs, 1872 :
« VoluptĂ© des parfums. Oui, toute odeur est fĂ©e.
Si j’épluche, le soir, une orange échauffée,
Je rĂŞve de théâtre et de profonds dĂ©cors ;
Si je brûle un fagot, je vois, sonnant leurs cors,
Dans la forĂŞt d’hiver les chasseurs faire halte ;
Si je traverse enfin ce brouillard que l’asphalte
RĂ©pand, infect et noir, autour de son chaudron,
Je me crois sur un quai parfumé de goudron,
Regardant s’avancer, blanche, une goélette,
Parmi les diamants de la mer violette. »

Apprécier la vie à sa miraculeuse valeur

  PARRA Violeta, Chanson « Gracias a la vida » (« Merci Ă  la vie ») : une grande chanteuse chilienne.
« Gracias a la vida que me ha dado tanto
Me dio dos luceros que cuando los abro
Perfecto distingo lo negro del blanco
Y en el alto cielo su fondo estrellado
Y en las multitudes el hombre que yo amo. […] »

  SUPERVIELLE J., « Hommage Ă  la Vie » :
« C’est beau d’avoir Ă©lu
Domicile vivant
Et de loger le temps
Dans un cœur continu,
Et d’avoir vu ses mains
Se poser sur le monde
Comme sur une pomme […] »

Divers

  GAUDE L., Eldorado
Dernier chapitre, « L’ombre de Massambalo » : le don du collier de verre.
  GIONO J., Que ma joie demeure
  LEVI P., Si c’est un homme
Un chapitre qui est une bouffĂ©e de plaisir et de beautĂ© au milieu du camp : « Le chant d’ Ulysse ».


Ce document constitue une synthèse d’Ă©changes ayant eu lieu sur
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postée sur cette même liste. Cette compilation a été réalisée par la
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