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Article : [39] - Utopie, dystopie, uchronie


jeudi 20 juin 2002

Par La rédaction de WebLettres , Par Véronique Herail

Il s’agissait de faire le point sur les Å“uvres que l’on peut choisir pour étudier l’utopie, la dystopie ou l’uchronie.
Dernière modification le 21/04/2012 par Delphine Barbirati.

Pour un groupement de texte sur « Bonheur et Utopies »

  CAMPANELLA T., La cité du soleil.
  DIDEROT D., Le Neveu de Rameau.
Un dialogue entre le philosophe et le neveu sur les rapports entre bonheur et vertu, pp.50-51 en livre de poche.
  GIDE A., Les Nourritures terrestres.
  GOURMONT R. de, « Le bonheur » (Mercure de France, 1907).
  JULIET C., L’Année de l’éveil. Un enseignant explique à un élève la réalité de la guerre. Puis il lui rapporte la réflexion d’un prisonnier de guerre : « Si on sait s’y prendre, on peut être heureux même en enfer. » p 115, éditions J’ai Lu.
  MERCIER S., L’An 2440.
  NOTHOMB, Péplum.
  PEREC G., Penser, Classer
De la difficulté qu’il y a à imaginer une Cité idéale.
  RABELAIS, MORE, VOLTAIRE (l’Eldorado et le poème « Le Mondain »), E. RENAN, Paul MORAND, New York et G. ORWELL, Animal’s Farm avec un discours du cochon Napoléon suivi d’un texte injonctif (les 7 Commandements de la ferme). De nombreuses lectures cursives sont possibles sur ce thème dont le Goncourt 2001 Rouge Brésil.

Essais et romans

  CIORAN E., Histoire et Utopie.
  GEORGES J., Voyage en Utopie.
  MOREAU P.F., Le Récit utopique : droit naturel et roman de l’Etat.
  MORROW J., Cité de vérité.
  SERVIER J., Histoire de l’Utopie.
  TROUSSON R., Voyages aux pays de nulle part.
  ZWEIG S., Erasme : grandeur et décadence d’une idée.

Liens pour étudier l’utopie

  L’exposition virtuelle de la BNF sur l’utopie
  Le site La Maison d’ailleurs
  La Clepsydre (Site actuellement en travaux).
  Un site sur la S.F. : NooSFère
  Icarus, l’encyclopédie de l’imaginaire
  Utopia, de l’Atlantide aux cités du futur
  Podcast d’émissions de France Culture
  Articles de la revue Bon à Tirer, écrits par Raymond Trousson ; en particulier on pourra lire :
Mourir en Utopie
La cité, l’architecture et les arts en Utopie

Éléments de réflexion sur l’utopie

  Dans les utopies plus classiques (Campanella, More...) le dialogue met souvent en scène soit un voyageur qui revient d’une utopie et qui en décrit le fonctionnement social à son interlocuteur, soit un visiteur candide qui interroge un habitant de l’utopie ; le discours est dès lors plus épidictique et descriptif qu’argumentatif. Les enjeux argumentatifs sont donc plus intéressants lorsque les deux interlocuteurs défendent leur société et confrontent leurs visions du bonheur.
Il est également possible de faire dialoguer dans cette perspective les auteurs à travers leurs textes : le texte « Le Mondain » de Voltaire s’inscrit ainsi comme la tirade très rhétorique d’un dialogue en réponse aux passages arcadiens du Télémaque de Fénelon ou à la petite communauté du village de Clarens de La Nouvelle Héloïse de Rousseau : utopies optimistes, progressistes contre arcadies antiquisantes et régressistes. (Olivier H.)
  Appliquer une utopie littéraire ?
Il faudrait être d’une naïveté sans pareil ou muni d’intentions franchement perverses pour vouloir mettre en application une utopie littéraire. On ne voit pas quel sens il pourrait y avoir à mettre en pratique « l’Eldorado » de Voltaire. Le partage des biens par l’ensemble de la communauté dont parler Thomas More a déjà montré ses limites.
De même que dans « Eldorado », il semble qu’il ne peut y avoir Utopie que parce que le lieu est un lieu clos qui ne permet pas aux autres d’entrer... Il semble que l’invasion des autres dans Eldorado serait un échec total puisque l’absence d’institutions juridiques et carcérales permettrait toutes les dérives. On peut ajouter que le personnage n’en comprend pas d’ailleurs les règles puisqu’il en détourne les principes et y applique ses valeurs (la façon dont il embrasse le roi, le fait qu’il s’en aille en emportant les pierres précieuses - intérêt matériel et spéculatif...)
De même que dans L’île des Esclaves, les valets qui ont pour la première fois la parole, au lieu de s’en servir comme moyen d’accès au pouvoir politique et individuel, ne s’en servent que pour parodier les maîtres et encore dans une pâle et ridicule reproduction...
  Il me parait judicieux de tenir compte du fait que l’utopie n’est vraiment reconnue comme telle qu’à l’épreuve de la réalité, pour la plupart de ceux qu’on appelle à juste titre les rêveurs. Cela explique que des utopistes aient eu envie de se battre pour sauver leur idée, persuadés que seule la mauvaise foi de leurs contemporains s’oppose à la concrétisation de leur rêve. Il aurait fallu peut-être aussi le caractère nécessaire voire indispensable de l’utopie comme modèle idéal. Ce sont ces pôles d’idéalité qui maintiennent en chacun de nous la capacité à se dépasser, à situer ses actes et ses pensées sur des échelles de valeurs idéales. Un concept ne devient valeur que par l’existence d’un pôle, d’un idéal, situé aussi loin comme le + infini des matheux, dans le domaine de l’utopie, et vers lequel on tend... L’ami idéal, l’amant idéal. Et l’Å“uvre littéraire qui provoque une rencontre avec l’idéal, si elle arrive à éviter les lieux communs et la mièvrerie, ne peut être qu’un chef-d’Å“uvre. L’image de Roland dans le petit roi de Galice (in La légende des siècles) est « l’incarnation » de la générosité. Utopie et contre-utopie construisent pour le lecteur un univers manichéen, certes, mais indispensable à la transmission et l’intériorisation des valeurs fondamentales, et c’est là la plus belle fonction de l’utopie.

Propositions de séquence

  Séquence 1 : « L’utopie au XVIIIème siècle »
Objet d’étude : Argumenter, délibérer : l’essai, le dialogue et l’apologue
Problématiques choisies :
1. l’art de convaincre et de persuader
2. principes de la philosophie des Lumières
3. l’utopie au service de la satire
Lectures analytiques :
1. ROUSSEAU J.J., Discours sur l’origine et les fondements des inégalités entre les hommes ; « conséquences de la propriété »
2. DIDEROT D., Supplément au Voyage de Bougainville ; discours du vieillard concernant les « vertus chimériques »
3. MERCIER S., L’An 2440 ; « les ruines de Versailles »
4. VOLTAIRE, Candide, chapitre 18 « L’Eldorado »
5. MARIVAUX P.C., L’île des esclaves ; scène 2 jusqu’à « Ne craignez rien. »
Lectures complémentaires :
HESIODE, Les Travaux et les jours ; « l’âge d’or »
OVIDE, Les Métamorphoses ; « l’âge d’or »
La Bible ; « Génèse » II, 8-10
MORE T., Utopia ; « la journée des utopiens »
RABELAIS F., Gargantua ; « L’abbaye de Thélème »
VOLTAIRE, La Princesse de Babylone ; « les Gangarides »
ORWELL G., incipit de 1984
MONTESQUIEU C.L., Les Lettres persanes ; « les Troglodytes »
Autres activités proposées à la classe :
DM d’invention sur les méfaits et bienfaits du journalisme
DM d’invention sur la cité idéale
lecture de Vendredi ou les Limbes du Pacifique de Michel TOURNIER ou un autre roman de la liste proposée par le numéro du Magazine Littéraire sur l’utopie.

  Séquence 2 : Lectures analytiques :
MORE T., L’Utopie, « Des arts et métiers »
RABELAIS F., Gargantua ; « L’abbaye de Thélème »
VOLTAIRE, Candide ou l’Optimisme ; « L’Eldorado » chapitre XVII
ZOLA E., Travail ; « La Crêcherie »
ORWELL G., 1984 ; « la novlangue ».
Document complémentaire :
L’architecture utopique : des embryons de cités idéales
Lecture cursive : ORWELL G., 1984.

  Séquence 3 : « Voyages en pays d’Utopie »
Problématique : Comment le récit et le dialogue utopiques mettent en Å“uvre la défense et l’illustration d’un projet de société ?
Lectures analytiques :
MORE T., Utopie : Début du chapitre II : Description de l’île et chapitre II : Une société sans argent
RABELAIS F., Gargantua ;Chapitre 57 « L’Abbaye de Thélème »
BERGERAC C.de, Les Etats et Empires du soleil ; « La République des Oiseaux »
Marivaux P.A.C., L’Ile des esclaves ; la scène d’exposition.
Å’uvre intégrale en lecture analytique : HUXLEY A., Le meilleur des Mondes : une contre- utopie :
l’idéologie du Meilleur des Mondes et les moyens de sa contestation.
La satire du primitivisme.
L’édition de référence est celle des éditions Pocket n° 1438.
1/ Au Centre d’Incubation et de Développement - Chapitre 3 p. 62-67 « Lénina Crowne ?...accomplir les choses par la violence »
2/ Bernard Marx à l’Office de Solidarité - Chapitre 5 p. 100-105 « Joli début pour un Office de Solidarité... étendus à plat ventre ou sur le dos »
3/ John le Sauvage découvre Shakespeare - Chapitre 8 p.152- 156 « Un jour (John calcula plus tard...je t’apprendrai à façonner l’arc »
Activités proposées à la classe : Courts exposés sur l’utopie en littérature et en architecture
Le Meilleur des Mondes : une contre- utopie
Claude-Nicolas Ledoux Les Salines royales d’Arc- et- Senans, 1774-1779
Documents complémentaires :
Le genre de l’utopie : histoire, caractéristiques, significations, définitions de genres proches.
Rabelais Gargantua, 1535 Chapitres LII, LIII et LV : l’architecture et les mÅ“urs de Thélème
Voltaire Candide, 1759 Chapitres XVII et XVIII : le Pays d’Eldorado
John Lennon « Imagine »,1971
Coline Serreau extraits de La Belle verte, 1996.

Des sujets de dissertation sur l’utopie

  Voici une correction que je proposais pour une dissertation sur la tromperie intellectuelle que peut représenter l’utopie. Une introduction habile pourrait peut-être élargir au thème de la mystification ; une baguette de magicien surgit parfois du stylo !
Pistes de réflexion : l’utopie est-elle une mystification ?
L’utopie n’est pas une idée neuve. Platon avait déjà conçu une cité idéale, mais elle a connu des difficultés à sortir des livres où elle était confinée comme simple exercice philosophique. Elle n’est pas au monde et le public la méconnaît. Son succès est récent, notre temps lui donne sa chance, tout le monde la revendique et elle annexe la liberté aussi bien que la tyrannie. Elle désigne une chose et son contraire et c’est ce qui fait son malheur car elle est devenue une notion fuyante mais en même temps indispensable.
Comment le même mot peut-il convenir aux fascistes et aux libertaires, aux démagogues et aux puritains, aux rêveurs et aux comptables ?
L’utopie n’est-elle pas mystificatrice ? Peut-on dire que rien n’est pire que l’utopie qui devient réalité, utopie désaliénante dans l’imaginaire et oppressive dans la pratique ?
La bibliothèque utopique, infinie, est d’une grande monotonie. Elle dit toujours la même chose. Il est étonnant qu’elle ait engendré une notion aussi fluide, équivoque et contradictoire. De Platon à Cabet, existe chez tous les utopistes la ferme volonté de refaire le monde, de repartir à zéro, de construire une société parfaite qui apporterait le bonheur aux hommes. Donc, au départ, la démarche est positive, philanthropique : on rêve d’ordre, d’harmonie et d’une relative égalité. Cette utopie s’accompagne d’ailleurs souvent d’une critique préalable ou simultanée de la société existante. Malgré leur caractère fictif et mythique, les utopies sont en rapport avec l’histoire.
Cependant, même si elle est liée à des grands moments de l’histoire, l’utopie est esclave de son étymologie. Un même fil mystérieux unit les textes utopiques : le rêve. L’utopie repose sur des principes illusoires ou du moins contestables :
Foi en la bonté de l’homme (Rousseau)
Efficacité de l’éducation et de la morale (Bernardin. de Saint-Pierre)
Conviction que l’individu est prêt à se fondre dans le groupe pour son bonheur.(Rousseau, Montesquieu)
Absence de contestation de l’autorité, naturellement reconnue. (Voltaire)
Monde protégé.
Rêve du retour à l’âge d’or, à l’innocence des choses (messianisme adamique), rêve d’un paradis terrestre, même si Rousseau savait que ce n’était pas possible.
Les adversaires de l’utopie ont toutefois beau jeu de dénoncer cet optimisme, cet idéalisme. Mais tout le monde rêve d’une ville idéale, aussi bien le philosophe dans sa bibliothèque que le déraciné dans son bidonville, mais entre le meilleur des mondes et le monde, le fossé peut être large. Orwell dénonçait, en 1945, celle possible dérive : « Dans toute grande lutte révolutionnaire, les masses sont mues par de grandes rêveries de fraternité et ensuite, lorsque la nouvelle classe dirigeante a bien assis son pouvoir, elles sont renvoyées à leur servitude. »
Ces menaces apparaissent déjà plus ou moins nettement dans les diverses sociétés utopiques proposées. Elles suppriment l’imagination et 1’imaginaire ! La cité idéale est sérieuse. Ses emblèmes sont la balance, la table de multiplications, l’horloge et le fil à plomb. Elles détestent le saugrenu, le désordre et l’inaccordé. Elles étranglent la liberté : les vagabonds, les amoureux, les lunatiques, les marginaux n’y sont pas à leur place. Pas d’emportements, pas de romantisme. L’État utopique est une grande caserne. Il porte l’organisation à son comble-, c’est le triomphe du système. De la vie humaine, il retient la nécessité, non le hasard. D’ailleurs, aucune société historique, même la mieux planifiée, ne peut rivaliser avec la société utopique. L’utopie est ce système politique dans lequel l’État a atteint une si désastreuse perfection qu’il finit par perdre son emploi, faute d’usage.
Dans l’histoire, même les États totalitaires (type 3e Reich ou ex U.R.S.S.) conservent le besoin d’un gouvernement car il faut aménager une loi, régler une guerre, prendre des mesures contre la délinquance. L’utopie se passe de ces précautions car elle s’est arrangée pour abolir le temps. De plus, l’utopien est bon, discipliné, dévoué à la collectivité.
L’utopie a un ennemi choisi : l’individu avec sa liberté. Pour que la cité fonctionne, il faut d’abord que l’individu meure car il est imprévisible : il désire des femmes, est envieux, jaloux, rêveur, cossard, sentimental. Il a ce défaut d’être unique et différent. Il faut donc absolument le fondre dans le corps anonyme des citoyens. L’état utopique va faire périr la liberté pour que triomphe l’égalité.
La famille est une autre cible des utopistes car elle est l’ultime redoute qui résiste à l’organisation de la cité. Les utopistes soumettent l’amour, la procréation et plus tard l’éducation des enfants à des protocoles très stricts. Les enfants ne sont que ce que l’éducation en fait, sans famille ni hérédité. Ils appartiennent à la communauté.
La communauté vit repliée sur elle-même. Elle ignore l’autre, l’étranger, parce qu’il peut être facteur de troubles : l’Européen chez les Tahitiens, le barbare chez Platon-. Dans L’Utopie de More, les Utopiens utilisent, pour la guerre, des mercenaires qui se feront massacrer en massacrant l’ennemi ; autant de barbares en moins !
Les contre utopies dénonceront ces dangers ; certains, comme Rabelais ou Swift, construiront des cités idéales accompagnées de rêverie, de vagabondage, de désir, de liberté. Le contre utopiste déteste le groupe et les règlements.
Enfin, cette volonté des utopistes de tout reprendre à zéro pour construire un monde nouveau avec des hommes nouveaux fera glisser l’utopie dans la barbarie quand certains chefs politiques voudront la réaliser : Troisième Reich, Khmers Rouges etc. On peut déchiffrer le nazisme dans le prisme de l’utopie : restauration de l’ordre, annulation des individus et mise en place des différentes strates du parti nazi, destruction de la liberté, goût de l’uniforme.
Certes, un état énorme comme l’Allemagne ne pouvait pousser à la perfection (?) extrême le modèle utopique, du moins s’y est-il employé et il a même avoué son dessein en réalisant des projets de stricte obédience utopiste : les camps de la mort fonctionnaient comme les sociétés de More et de Cabet, avec leur ordonnance méticuleuse, leur hygiène, leur mécanique indéréglable, la négation enfin de toute individualité allant jusqu’à l’assassinat. De même, quand l’U.R.S.S. axait son économie sur le plan quinquennal, elle était fidèle au thème utopique : elle fondait ensemble le présent et le futur. Elle consumait le temps puisque le plan faisait une réalité déjà dessinée de ce qui n’existait pas encore. Dostoïevski, qui fut fasciné par l’utopie, présente, dans Les Démons, un groupe de jeunes gens exaltés qui désirait changer le monde. L’un des plus frénétiques s’appelle Chigalev. Il propose à ses camarades conjurés un plan de bonheur universel.
  L’ennuyeux, c’est que ce plan hésite entre la terreur et l’amour, mais Chigalev ne s’en inquiète guère ; il se borne à en prévenir ses amis, avec une naïveté touchante- « Je dois déclarer que mon système n’est pas tout à fait au point, que ma conclusion est en contradiction directe avec l’idée qui m’a servi de point de départ. Partant de la liberté illimitée, j’aboutis au despotisme sans limites. » Cet aveu est confirmé par cet aphorisme de N.Berdiaeff (épigraphe au Meilleur des mondes d’Huxley : « Les utopies apparaissent comme bien plus redoutables qu’on ne le croyait autrefois. Et nous nous trouvons actuellement devant cette question bien autrement angoissante : Comment éviter leur réalisation définitive ? »
Il n’en reste pas moins vrai que, malgré son caractère tatillon, maniaque, tyrannique ou fallacieux, l’utopie reste une espérance, rêve d’un ailleurs, d’une altérité. Elle répond à un besoin de l’homme.
  Je vous propose un sujet, que je n’ai pas inventé, mais j’ai oublié la source, que son auteur m’en excuse. Peu importe ; le voici : « L’utopie ou la contre utopie sont des fictions. Sont-elle efficaces pour faire réfléchir sur l’organisation sociale et politique de la société réelle ? »
Un ou deux des huit élèves qui ont choisi ce sujet ont su apercevoir l’antithèse : c’est un signe que le sujet convient.
Le corpus comprenait le texte de Hugo sur l’Europe, un extrait du Meilleur des mondes, et un extrait de l’édito de Colombani « Nous sommes tous américains ». Les élèves avaient lu Gargantua, Candide, La ferme des animaux et des extraits dans le manuel Nathan. L’ensemble est largement suffisant pour illustrer les idées. (Jean-François P.)
Analyse du sujet
Il porte sur un genre : une forme particulière de l’apologue : l’utopie. Mais est-ce vraiment un genre ? Oui si l’on se réfère à des oeuvres telles que L’utopie de Thomas More. En ce sens, l’utopie serait la description d’une société « idéale », dans son organisation sociale, politique, économique.
Mais le terme peut désigner aussi tel passage d’une Å“uvre, comme les chapitres consacrés à l’Eldorado, contrée imaginaire, dans Candide, ou à l’abbaye de Thélème dans Gargantua.
Enfin le terme peut désigner les mondes ou sociétés imaginaires eux-mêmes, comme dans les textes du corpus.
La contre-utopie prend le contre-pied de l’utopie en ce sens qu’elle offre à la réflexion du lecteur le spectacle d’une société invivable : par exemple le roman de Huxley au titre ironique, Le meilleur des mondes.
Problématique
Les utopies décrivent une société idéale, donc imaginaire. Å’uvres de fiction donc, éloignées de la société réelle. Pourtant l’utopie ne peut que renvoyer le lecteur à la société dans laquelle il vit, dont l’utopie offre un contrepoint, une critique, voire une transposition caricaturale.
Inversement la contre-utopie souligne peut-être ce qui est en Å“uvre de manière invisible dans la société réelle, ou bien peut avertir d’une menace : derrière le rêve, le cauchemar. C’est cette finalité argumentative qu¹il convient d’interroger. Le sujet entre donc dans la problématique générale de l’apologue : raconter une histoire pour instruire et faire réfléchir. On devra se demander en quoi l’argumentation indirecte possède sa propre efficacité, quelles en sont les limites ou les écueils si on la compare à d’autres genres fondés sur l’argumentation directe, comme l’essai par exemple.
Le problème peut donc se formuler dans ces termes :
En quoi la fiction utopique peut-elle soutenir efficacement une thèse tout en se situant dans l’imaginaire ? Peut-elle avoir une efficacité comparable à celle d’un essai ?
1 Le détour par l¹imaginaire : une efficacité propre
a) l’attrait des lecteurs pour le dépaysement
b) un moyen de s’affranchir des frontières du temps et de l’espace
c) la simplicité des modèles proposés : un bon support pour la réflexion
d) une possibilité de mettre les théories à l’épreuve du concret
2 L¹interprétation peut être aléatoire ou incertaine
a) une caricature qui ne peut pas rendre compte de la complexité de la société réelleb) contextes et références historiques parfois obscurs
c) des prophéties désespérantes
soit un idéal inatteignable
soit une anticipation effrayante
alors à quoi bon ?
3 le paradoxe de la fiction : l’Å“uvre de fiction révèle le réel
a) la valeur prédictive des Å“uvres d’écrivains
pour définir un idéal politique
pour mettre en garde contre des illusions dangereuses
b) l’Å“uvre de fiction oblige à ouvrir les yeux sur la réalité présente
offre en contrepoint de l’idéal une lecture des travers de la société présente
oblige à voir ce qui est en œuvre de manière insidieuse dans la réalité

Dystopies ou contre utopies

  BOYE K., La kallocaïne
Dystopie passionnante d’un auteur suédois traduite en anglais. Il existerait une version française ancienne.
  BRADBURY R., Fahrenheit 451 (1955, Denoël, Présence du futur).
  HUXLEY A., Le meilleur des mondes (Brave new world) (1932, Presses-pocket).
  MATHESON R., Je suis une légende (Présence du futur).
  MATHESON R., Rêve de fer.
  NICCOL A., Bienvenue à Gattaca (film de 1997).
  ORWELL G., 1984 (1948, folio 822).
  ZAMIATINE, Nous autres (1920, L’imaginaire Gallimard).

Quelques Å“uvres autour de 1984

  L’ARC n°94, 1984.
  Archives des lettres modernes n° 212, 1983.
  BRUNE F., Sous le soleil de Big Brother, Précis sur 1984 à l’usage des années 2000 ; une relecture d’Orwell .
  BRUNE F., 1984 ou le règne de l’ambivalence : une relecture d’Orwell (1983).
  Courrier international n°320-32, 1996.
  COURTINE J-J., RIHOIT C. et al., Orwell.
  CRICK B., George Orwell, une vie (Trad. J. Clem) (1982).
  L’école des lettres II, n°11, 1980-1981, « Utopies, thèmes et formes ».
  L’école des lettres II, n°15, 1984-1985, « L’évolution de la cellule familiale dans les oeuvres de S.F. ».
  L’école des lettres II, n°3, 1985-1986, « La réflexion contre-utopique ».
  L’homme et la société, n°73-74, Juillet-Décembre1984. « 1984 ? Littérature et politique ».
  Le magazine littéraire, n°202, Décembre1983. « Dossier : 1984 hier et demain ».
  MENAHEM G., 1984 et les présents de l’univers informationnel (C.C.I., Paris, 1985).
  MICHÉA J-C., Orwell, anarchiste tory (Éditions Climats, 1995).
  REGARD F. propose une étude dans le Foliothèque.
  RADFORD M., 1984
Adaptation filmée sortie en1984 avec John Hurt (Smith), Richard Burton(O’Brien).
Le Télérama n°1818 du 14 novembre 1984 l’analyse.
  Voir le site George Orwell

Le terme « dystopie » est-il le contraire de « utopie » ? Est-il ou non un néologisme, sachant qu’il ne se trouve sur aucun dictionnaire courant, et, si ce terme existe, sur quel radical est-il construit

  Le terme a été également vu avec comme définition « le lieu du mal » fondé sur une antithèse avec la 2e acception étymologique d’utopie non pas « u » mais « eu » donc « lieu du bien » ; pour l’origine peut-être l’un des deux petits livres suivants : L’utopie par F. ROUVILLOIS en G.F. ou L’utopie par M. HUGUES en 128.
  « Dystopie » est un terme médical pour désigner le fait qu’un organe n’est pas à sa place.
  Anglais et Allemands utilisent le mot (dystopia en anglais) pour parler d’une anti-utopie.
  Quelques spécialistes de S.F. l’utilisent en Français. Voir par exemple :
« La fin du XIXe siècle a vu naître la dystopie, qui est proche de la Science-fiction et dont le meilleur exemple est sans doute 1984 de George Orwell (1948). Dans la dystopie, le projet utopique est présenté comme réalisé : les « bonnes » lois sont appliquées et tout le monde est donc censé être heureux. Mais cette réalisation n’est pas, comme dans l’utopie, présentée par les yeux du Sage, ou des gouvernants. Elle est vécue au quotidien par des habitants du lieu, qui subissent ces lois, dont on s’aperçoit alors, à leur souffrance, qu’elles ne sont pas aussi bonnes que le discours officiel le prétend. Ce renversement du point de vue passe par la révolte d’un héros, qui retrouve lucidité et conscience de soi, en général après une rencontre avec l’amour, évidemment interdit. »
  Le Trésor de la langue Française ignore le mot. Le Dictionnaire International des Termes Littéraires le liste sans l’expliquer.
  La dystopie (source anglo-saxonne : dystopia) correspond à une période critique et antitotalitaire qui apparaît au lendemain de l’âge d’or du scientisme, du positivisme social et de la croyance dans le progrès qui se dessinent durant le XIXe siècle. La dystopie dénonce la vanité de l’utopie fondée sur la volonté de construire un monde alternatif à la réalité, une autre réalité où l’homme est le démiurge qui façonne sa société parfaite, standardisée et loin de l’individualisme. Les nombreuses désillusions qui traversent le XXe siècle vont pousser progressivement les utopistes à changer leur conception de l’avenir de l’homme. L’échec des grandes idéologies, la montée du fascisme en Europe de l’Ouest et la Seconde Guerre Mondiale sont les principales causes de la dégénérescence de l’utopie. Si l’utopie désigne ce qui n’est nulle part, la dystopie est ce qui n’est plus à sa place. L’une tourne le dos à la réalité. L’autre transcende sa décadence. L’une est un cri d’espérance. L’autre un hurlement de désespoir. »
  Le terme figure dans le Dictionnaire portatif du bachelier (Hatier, profil). C’est un équivalent de anti - utopie. Pour Topos, le mot signifie lieu, d’où mauvais lieu...
  « La dystopie : une fiction politique pessimiste » p.34 du Découvertes Gallimard La Science-fiction aux frontières de l’homme de Stéphane Manfrédo. « La dystopie, c’est le contraire de l’utopie. L’humanité n’a pas découvert la société parfaite mais un état d’oppression absolu, organisé scientifiquement par un régime qui écrase impitoyablement les opposants ».

Uchronies

  BARBET P., L’Empire du Baphomet
  DICK P. K., Le Maître du Haut-Château
Si l’Axe avait triomphé des États-Unis ?
  DICK P.K., Souvenir (recueil de nouvelles)
Sur les voyages dans le temps.
  FORSTER E M, The Machine Stops (1909).
  HARRIS R., Le sous-marin noir (Fatherland)
Article wikipedia
  MOORCOCK M., Le nomade du temps (trilogie).
  MOORE W., Autant en emporte le temps
Si le Sud avait gagné la guerre de Sécession ?
  PERRAULT G., Rapport au Reichsführer S.S. In Les sanglots longs (Fayard 1970).Terrifiante uchronie anti-nazie.
  ROBERTS K., Pavane (première publication en 1966)
Si l’Invincible Armada avait vaincu l’Angleterre ?
  ROTH P., Le complot contre l’Amérique
Et si en 1940, le fringant et antisémite notoire Charles Lindbergh avait été élu Président à la place de Roosevelt ?
  SCHUITEN F. et PEETERS B., la Fièvre d’Urbicande ou La Tour (dans la série de bandes dessinées Les Cités obscures) (Casterman)
C’est une volonté de leur part que de développer un monde de SF comme si un monde parallèle s’était développé depuis le « modern style ».
  SILVERBERG R., La porte des mondes
Si les Turcs et les Aztèques dominaient la planète ?
  SPINRAD R., Rêve de fer.

Site à consulter

  Le site de Pedro Mota, La Porte des Mondes

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