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Article : [291] - Jouer du théâtre au lycée


mardi 26 avril 2005

Par Vivette Pouzet

Il s’agissait de chercher des idées pour pouvoir faire jouer des élèves de lycée (notamment en classe de première puisque la question de la représentation fait partie du programme), malgré les difficultés dues aux classes chargées et hétérogènes, au peu de temps que nous avons, à l’investissement considérable que cela demande (recherche de salles, travail de coordination...).
Synthèse mise en ligne par Valentine Dussert ; dernière actualisation le 26 juillet 2007.

Suggestions de textes à jouer

  Brèves d’auteurs, ed. Actes sud, recueil de courtes pièces modernes (certaines ont beaucoup de personnages, mais aucune n’est simple).
  BRECHT B., Grand-peur et misère du IIIe Reich.
  DUBILLARD R., sketches.
  OBALDIA (de) R., Le Défunt.
  QUENEAU R., Exercices de style (on peut aussi faire écrire et jouer des pastiches par les élèves).
  TARDIEU J., Poèmes à jouer ; voir aussi dans les recueils La Comédie de la Comédie et La Comédie du langage de courtes pièces comme Oswald et Zénaïde, Finissez vos phrases, L’ÃŽle des vifs et l’île des lents...
  Un éditeur très connu en Belgique, Émile Lansman, publie des pièces d’auteurs - francophones surtout mais pas uniquement (il édite notamment le théâtre du Prix Nobel de littérature, Gao Xingjian). On y trouve notamment des volumes réalisés avec des jeunes comme Tolorosa de R. Montserrat ou Dix moi d’E. Durnez (auteur qui de manière générale écrit des pièces qui mettent en scène de jeunes personnages). En cliquant sur le numéro du volume et ensuite sur la liste des textes, on peut connaître le nombre de comédiens requis pour jouer. Par ailleurs, la série « Démocratie mosaïque » publiée par cet éditeur reprend des textes pour les jeunes comédiens sur le thème des droits de l’homme (n°133, 193, 219, 277).
  On peut aussi imaginer travailler des scènes d’un auteur (Molière...) ou un thème (scènes d’amour, de dispute), voire mélanger scènes de théâtre et textes non théâtraux (B. Vian) en les liant par un texte.
Je me souviens d’une pièce qui était faite avec un patchwork d’extraits de Molière : « scènes de ménage et d’amour chez Molière » : décapant et drôle à la fois, une façon intéressante aussi d’aborder l’auteur et de voir à quel point il peut être contemporain ou au moins éternel. Pour le texte, il suffit de puiser un peu dans chaque comédie et cela permet aux élèves de jouer une scène pas trop longue.

Témoignages d’enseignants

  J’ai demandé à mes élèves de choisir et d’apprendre un extrait du Roi se meurt (même très bref) et de l’interpréter avec décor et costumes (réduits à leur plus simple expression) et je les ai filmés pendant une heure. Nous avons ensuite commenté la cassette, puis regardé la mise en scène de Lavelli. Aucune prétention, évidemment pas un travail de professionnels, mais un bon moment et une prise de conscience de ce qu’étaient « théâtre et représentation ». Cela a bien marché aussi avec une Seconde à 31 élèves. Attention : tout cela fait un peu de bruit...

  J’ai pratiqué cela en collège et ça marchait bien, certainement est-ce transposable en lycée : donner une scène (assez courte et significative de l’oeuvre) à apprendre aux élèves motivés. Le jour de la « présentation », scinder la classe en 5 groupes qui observeront et noteront ce qu’ils apprécient ou souhaitent modifier dans 1. La voix et la diction / 2. Le placement des comédiens et leurs déplacements sachant qu’ils doivent signifier quelque chose, sinon ils sont inutiles / 3. Les gestes et les mimiques des comédiens (interprétation). / 4. La mise en espace. / 5. Le ton employé (interprétation). Ensuite, les élèves volontaires jouent leur scène telle qu’ils l’ont préparée. Chaque groupe, un par un, émet ses critiques et suggestions, ce qui induit toujours un débat car le(s) sens du texte sont en jeu et il y a des divergences. On peut donc opérer de vrais choix de mise en scène (une approche du moins, puisqu’il n’y a pas de réflexion approfondie sur toute l’Å“uvre ni de travail scénographique) sur lesquels la classe se met d’accord : c’est une étape essentielle où les élèves constatent qu’il n’y a pas qu’une interprétation possible. Les volontaires rejouent la scène ou un court extrait de celle-ci - cela suffit pour voir la différence - en tenant compte des choix établis. Avec un peu de temps, on peut essayer plusieurs mises en scènes qui semblaient valables. On peut même faire essayer des choix qui vont contre le texte : les élèves constatent vite que cela ne « fonctionne » pas. Les élèves aiment beaucoup cela car, tout à coup, la cohésion de l’oeuvre apparaît concrètement sous leurs yeux. Personnellement, j’utilise souvent cette technique pour faire l’analyse d’un extrait de théâtre car qu’est-ce que la mise en scène sinon l’analyse d’une oeuvre débouchant sur des choix ?

  Vous pouvez peut-être utiliser les pièces de théâtre de Jean Tardieu, auteur français contemporain, qui a beaucoup écrit pour la radio. Ces textes sont toujours drôles et jouent sur les sons. Les pièces, très courtes, mettent en scène peu de personnages (3 ou 4, maximum). Il doit être possible de choisir deux ou trois pièces rigolotes, de partager les élèves en groupes et les faire travailler sur la pièce qu’ils ont choisie ; chaque « représentation » ne devrait pas durer plus de 15 à 20 minutes, étant donné le nombre réduit de pages. Quelques exemples : Oswald et Zénaïde, L’ïle des Vifs et L’ïle des Lents (certains personnages parlent vite, très vite, d’autres très lentement, c’est drôle à lire).

  Pour ma part, j’ai déjà fait travailler des extraits de pièces par groupes en donnant aux élèves des consignes précises : imaginer un décor, des accessoires, des costumes (rendre les élèves attentifs à la nécessité de fabriquer décors et accessoires et donc d’avoir des ambitions mesurées), mettre en scène, en tenant compte des didascalies mais aussi du texte et de l’implicite, ne pas perdre de vue la nécessité d’occuper l’espace scénique. Donner un sens à la scène : comprendre la psychologie des personnages, leurs relations... Dans un groupe, chacun, même les moins motivés devrait trouver à exercer ses talents. Organisation pratique : faire lire la pièce à domicile ; consacrer une heure au choix de la scène, à la mise en place des groupes, une autre heure de travail par groupe en classe pour amorcer ; prévoir une heure ou deux heures dans l’intervalle et juste avant la dernière séance pour une mise au point et les laisser travailler seuls en dehors. Attention, fixer dès le départ un calendrier précis et les y astreindre. Prévoir une ou deux heures de « représentation ». Si vous voulez voir un compte-rendu de travail que les élèves ont relaté eux-mêmes l’an dernier (sans aller jusqu’à une représentation réelle puisqu’il s’agissait de préparer un spectacle à aller voir et la rencontre avec metteur en scène et comédiens), rendez-vous sur mon site (Françoise Chatelain) : Un Amour de vitrine ou comment découvrir le théâtre autrement (attention : 5e = 16 ans). Il me semble que ce genre de travail est capital pour faire des élèves des spectateurs de théâtre éduqués.

  Vous avez la possibilité de travailler sur le cahier de mise en scène par groupe : costumes, lieux, personnages, déplacements... ou bien de donner à travailler une scène par groupe à des élèves, à eux de travailler et de présenter aux autres ... c’est mieux de le faire en module, il me semble qu’il y en a une heure en première technologique.

  C’est une idée motivante pour les élèves qui apprennent beaucoup par ce biais. J’ai mis en place des séances d’expression corporelle et vocale, puis de lecture à haute voix, en me fondant entre autres sur les Exercices de style de Queneau. Les élèves accrochent très vite à ces textes. Mon but était de faire comprendre l’intérêt de lire avec émotion, et qu’une lecture expressive ne nécessitait pas des effets spectaculaires pour être vraie... les candidats étaient nombreux pour le travail en groupe en séance d’AI (peut-être détournée de sa fonction, bien que la pratique de la lecture me semble un point crucial). Mais le spectacle prévu n’a pas abouti faute de temps, de courage en fin d’année. Bon en somme un projet avorté, mais pourtant très intéressant.

  Les vrais problèmes du théâtre avec des élèves :

  • le temps que cela prend : à moins de disposer d’un certain nombre d’heures spécifiques, il me paraît utopique de travailler un spectacle correct et montrable dans le cadre du cours où cela ne peut représenter de toute façon qu’une partie de la matière à voir. Dès lors c’est en dehors des heures que cela se passe.
  • corollaire : il faut maintenir l’enthousiasme intact dans tout le groupe. Ce qui arrive le plus souvent, c’est que, sous divers prétextes, un certain nombre d’élèves abandonnent le navire.
  • conséquence : on se retrouve avec une distribution incomplète.
  • autre difficulté : trouver des moments où tous sont disponibles en même temps.
  • dans un autre domaine, il n’est pas facile de trouver des pièces dont le nombre des personnages coïncide avec celui des comédiens potentiels.

Pour remédier à cela, j’ai choisi une solution qui vaut ce qu’elle vaut, un spectacle composé de scènes ou de courtes pièces en un acte : on travaille avec de petits groupes sur des textes distincts aux moments où cela convient le mieux à chaque groupe (et au prof !) ; si certains abandonnent, tout le spectacle n’est pas compromis et on module le choix en fonction des acteurs dont on dispose.

  J’ai monté l’an dernier (et je poursuis cette année) un atelier de pratique artistique écriture et théâtre : les élèves écrivent et jouent leurs propres textes, petites saynètes, reliées entre elles par un fil rouge (facile à mettre en place si le thème d’écriture est commun). Un comédien vient travailler avec les élèves les techniques théâtrales et leurs propres textes. Il ne faut pas être ambitieux mais le résultat est surprenant, et assez bon, compte tenu du temps passé et des difficultés matérielles. En classe, j’ai essayé, en module de seconde : beaucoup plus difficile. Mais peut-être serait-ce possible en faisant les groupes de module en fonction des élèves volontaires.

  Apparemment, les pratiques théâtrales que vous suggérez se conçoivent devant une classe entière, plutôt que face à un atelier constitué d’élèves volontaires. Je peux vous faire part de ma propre expérience. Il y a trois ans, avec une collègue professeur d’anglais, en Première L (25 élèves), nous avons mis en scène une nouvelle d’Edgar Poe, Le Chat noir, entrecoupée de poèmes de Baudelaire en contrepoint. Ce fut un succès. L’avantage de cette formule tient à sa grande souplesse : extraits de la nouvelle, d’une longueur variable, en français et en anglais, poèmes choisis par les élèves (par exemple en modules), implication de tous, mais davantage pour ceux qui le désirent et qui se sentent à l’aise (certains avaient déjà fait du théâtre, d’autres non). Au terme de l’expérience, la classe formait un groupe, et l’atmosphère s’en trouvait métamorphosée... Nous avons réinvesti la recette du spectacle dans un voyage à Guernesey, sur les traces de Victor Hugo (Les Châtiments étaient alors au programme).

  Difficile à 35 élèves ! J’enseigne pour ma part en option théâtre et vous conseille un atelier en dehors du temps scolaire. Le travail en classe est souvent apprécié des élèves mais obtenir un engagement de tous est illusoire et les productions s’en ressentent. 15/20 comédiens est pour moi la limite. Comment engager les autres dans le projet ? A méditer, mais il y a moyen. Je fais chaque année quelques séances de jeu en module de seconde, autour de la notion étudiée (mais nous avons une salle théâtre et 20 des élèves de la classe ont l’option ; c’est donc plus facile pour moi). Un travail « in situ », dans un lieu de l’établissement est souvent intéressant, tout dépend de l’architecture du lycée. Pour les textes, monter une pièce me semble un peu prétentieux. Deux ou trois séances d’atelier de jeu (sans aucun texte !) permet ensuite une autre approche des notions de personnage, d’espace, d’enjeux et de situation... Un montage d’extraits très courts serait pour moi la meilleure idée (deux- trois répliques par personne et c’est déjà beaucoup) ; c’est d’ailleurs comme ça que je travaille en 2de (3 heures semaine dans l’emploi du temps - 20 élèves - 62 heures année d’intervention de comédiens). Pour ma part, je travaille sur une problématique (un thème de travail) choisie en commun avec les élèves (la mise en scène du fait divers - Real TV, mensonge et gloire...). Je recherche alors des extraits du répertoire (en ne me limitant pas aux textes théâtraux, loin s’en faut !) et quelquefois des moments d’improvisation sont aménagés, des textes d’élèves travaillés. Le montage en vue d’un « spectacle » (présentation de travaux est plus juste) ne prend une forme aboutie que 15 jours avant la date de représentation (je garde 6/8 heures pour faire aboutir le travail et bloque un mercredi après midi).

Merci notamment à Françoise Chatelain, Brigitte Mir, R. Mugnier, Ghislaine Zaneboni, Laure-Hélène, Michèle Sola, Stéphane Derbékian...


Ce document constitue une synthèse d’échanges ayant eu lieu sur Profs-L (liste de discussion des professeurs de lettres de lycée) ou en privé, suite à une demande initiale postée sur cette même liste. Cette compilation a été réalisée par la personne dont le nom figure dans ce document. Fourni à titre d’information seulement et pour l’usage personnel du visiteur, ce texte est protégé par la législation en vigueur en matière de droits d’auteur. Toute rediffusion à des fins commerciales ou non est interdite sans autorisation.
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