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samedi 30 mars 2002
Par Luc Blanvillain
Il s’agissait de trouver des textes littéraires pour constituer une séquence sur le thème du miroir.
Textes littéraires
► ARAGON L., Le Fou d’Elsa, ed. Gallimard, 1953, « Le Miroir ».
► ARAGON L., « Elsa au miroir ».
► BARBEY D’AUREVILLY J., L’Ensorcelé, 1855, XI (de « Mais qué que vous me paierez » à « comme un bÅ“uf assommé »).
► BORGES J. L., poème extrait de L’Auteur et autres textes.
► CAMUS A., La Chute, ed. Gallimard, 1956 (de « J’exerce donc à Mexico City » à « avec un grand sentiment de fraternité »).
► CARROLL L., De l’autre côté du miroir.
► DURAS M., India song (film et texte).
► ELUARD P., Capitale de la douleur, un court poème sur le miroir.
► GRIMM, Blanche-Neige (« Miroir, mon beau miroir »).
► HOFFMANN E. T. A., La Nuit de la Saint Sylvestre (nouvelle).
► HUGO V., Les Misérables, 1862, IVe partie, livre XV, chapitre 1 (de « Peut-être serait-il sage » à « un sourd mugissement » ; le miroir révélateur des sentiments d’un père).
► LA FAYETTE (de), La Princesse de Clèves, 1678 (la princesse surprend Nemours volant son portrait grâce à un jeu de miroir ; autre passage sur le jeu de regards, de « Sitôt que la nuit fut venue » à « sans songer sur les moments lui étaient précieux »).
► LA ROCHEFOUCAULD.
► MALLARME S., sonnet en -yx (« Elle défunte nue en le miroir »).
► MARIVAUX, La Dispute (une jeune fille découvre son visage pour la première fois dans un miroir et se trouve merveilleusement belle).
► MARIVAUX, Le Spectateur français, première feuille :
A l’âge de dix-sept ans, je m’attachai à une jeune demoiselle, à qui je dois le genre de vie que j’embrassai. Je n’étais pas mal fait alors, j’avais l’humeur douce et les manières tendres. La sagesse, que je remarquais dans cette fille m’avait rendu sensible à sa beauté. Je lui trouvais d’ailleurs tant d’indifférence pour ses charmes, que j’aurais juré qu’elle les ignorait. Que j’étais simple dans ce temps-là ! Quel plaisir ! disais-je en moi-même, si je puis me faire aimer d’une fille qui ne souhaite pas avoir d’amants, puisqu’elle est belle sans y prendre garde, et que, par conséquent, elle n’est pas coquette. Jamais je ne me séparais d’elle que ma tendre surprise n’augmentât de voir tant de grâces dans un objet qui ne s’en estimait pas davantage. Était-elle assise ou debout ? parlait-elle ou marchait-elle ? il me semblait toujours qu’elle n’y entendait point finesse, et qu’elle ne songeait à rien moins qu’à être ce qu’elle était. Un jour qu’à la campagne je venais de la quitter, un gant que j’avais oublié fit que je retournai sur mes pas pour l’aller chercher ; j’aperçus la belle de loin, qui se regardait dans un miroir, et je remarquai, à mon grand étonnement, qu’elle s’y représentait à elle-même dans tous les sens où durant notre entretien j’avais vu son visage ; et il se trouvait que ses airs de physionomie que j’avais cru si naïfs n’étaient, à bien les nommer, que des tours de gibecière ; je jugeais de loin que sa vanité en adoptait quelques uns, qu’elle en réformait d’autres ; c’était de petites façons, qu’on aurait pu noter, et qu’une femme aurait pu apprendre comme un air de musique. Je tremblai du péril que j’aurais couru si j’avais eu le malheur d’essuyer encore de bonne foi ses friponneries, au point de perfection où son habileté les portait ; mais je l’avais crue naturelle et ne l’avais aimée que sur ce pied-là , de sorte que mon amour cessa tout d’un coup, comme si mon cÅ“ur ne s’était attendri que sous condition. Elle m’aperçut à son tour dans son miroir, et rougit. Pour moi, j’entrai en riant, et ramassant mon gant : Ah ! Mademoiselle, je vous demande pardon, lui dis-je, d’avoir mis jusqu’ici sur le compte de la nature des appas dont tout l’honneur n’est dû qu’à votre industrie. Qu’est-ce que c’est ? que signifie ce discours ? me répondit-elle. Vous parlerai-je plus franchement ? lui dis-je, je viens de voir les machines de l’Opéra. Il me divertira toujours, mais il me touchera moins. Je sortis là -dessus, et c’est de cette aventure que naquit en moi cette misanthropie qui ne m’a point quitté, et qui m’a fait passer ma vie à examiner les hommes, et à m’amuser de mes réflexions.
► MAUPASSANT (de) G., Bel ami ; quelques extraits :
*Tout le long de la vasque de marbre on laissait par terre des coussins afin qu’on pût se mettre à genoux autour du bassin, pour être plus près des bêtes nageantes. Les jeunes gens en prirent chacun un, côte à côte, et, penchés vers l’eau, commencèrent à jeter dedans des boulettes qu’ils roulaient entre leurs doigts. Les poissons, dès qu’ils les aperçurent, s’en vinrent, en remuant la queue, battant des nageoires, roulant leurs gros yeux saillants, tournant sur eux-mêmes, plongeant pour attraper la proie ronde qui s’enfonçait, et remontant aussitôt pour en demander une autre.
*Ils avaient des mouvements drôles de la bouche, des élans brusques et rapides, une allure étrange de petits monstres ; et sur le sable d’or du fond ils se détachaient en rouge ardent, passant comme des flammes dans l’onde transparente, ou montrant, aussitôt qu’ils s’arrêtaient, le filet bleu qui bordait leurs écailles. Georges et Suzanne voyaient leurs propres figures renversées dans l’eau, et ils souriaient à leurs images.
*Dès qu’elle fut seule, elle alla, par instinct, vers la glace pour se regarder, comme pour voir si rien n’était changé en elle, tant ce qui arrivait lui paraissait impossible, monstrueux. Suzanne était amoureuse de Bel-Ami ! et Bel-Ami voulait épouser Suzanne ! Non ! elle s’était trompée, ce n’était pas vrai. La fillette avait eu une toquade bien naturelle pour ce beau garçon, elle avait espéré qu’on le lui donnerait pour mari ; elle avait fait son petit coup de tête ! Mais lui ? lui ne pouvait pas être complice de ça ! Elle réfléchissait, troublée comme on l’est devant les grandes catastrophes. Non, Bel-Ami ne devait rien savoir de l’escapade de Suzanne.
*Il descendit avec lenteur les marches du haut perron entre deux haies de spectateurs. Mais il ne les voyait point ; sa pensée maintenant revenait en arrière, et devant ses yeux éblouis par l’éclatant soleil flottait l’image de Mme de Marelle rajustant en face de la glace les petits cheveux frisés de ses tempes, toujours défaits au sortir du lit.
*Il montait lentement les marches, le coeur battant, l’esprit anxieux, harcelé surtout par la crainte d’être ridicule ; et, soudain, il aperçut en face de lui un monsieur en grande toilette qui le regardait. Ils se trouvaient si près l’un de l’autre que Duroy fit un mouvement en arrière, puis il demeura stupéfait : c’était lui-même, reflété par une haute glace en pied qui formait sur le palier du premier une longue perspective de galerie. Un élan de joie le fit tressaillir, tant il se jugea mieux qu’il n’aurait cru.
*N’ayant chez lui que son petit miroir à barbe, il n’avait pu se contempler entièrement, et comme il n’y voyait que fort mal les diverses parties de sa toilette improvisée, il s’exagérait les imperfections, s’affolait à l’idée d’être grotesque.
► MAUPASSANT (de) G., Le Horla.
► MAUPASSANT (de) G., Madame Hermet :
Il s’agit d’une nouvelle très courte et efficace, qui développe le thème de la folie. Une mère, Madame Hermet, est incapable de surmonter sa peur de la contagion pour approcher son fils mourant de la petite vérole ; la nouvelle s’achève par : « Quand le jour parut, il était mort, le lendemain, elle était folle. » Au tout début, le narrateur fait la connaissance de cette folle et elle possède deux accessoires intéressants : un voile et un miroir dont elle se sert alternativement, persuadée qu’elle est d’être défigurée.
► MAUPASSANT (de) G., Notre cÅ“ur, plusieurs scènes de contemplation de l’héroïne à son miroir.
► MAUPASSANT (de) G., Pierre et Jean.
► MONETTE M., Le Double Suspect (la narratrice joue sur le double et les effets de miroir).
► OVIDE, Les Métamorphoses, Narcisse.
► PASCAL, Pensées.
► PREVOST, Manon Lescaut, 1753 :
Nous rentrâmes dans son cabinet. Elle se mit à rajuster mes cheveux, et ma complaisance me faisait céder à toutes ses volontés, lorsqu’on vint l’avertir que le prince de... demandait à la voir. Ce nom m’échauffa jusqu’au transport. Quoi donc ? Quel prince ? Elle ne répondit point à mes questions. Faites-le monter, dit-elle froidement au valet ; et se tournant vers moi : cher amant, toi que j’adore, reprit-elle d’un ton enchanteur, je te demande un moment de complaisance, un moment, un seul moment. Je t’en aimerai mille fois plus. Je t’en saurai gré toute ma vie. L’indignation et la surprise me lièrent la langue. Elle répétait ses instances et je cherchais des expressions pour les rejeter avec mépris. Mais, entendant ouvrir la porte de l’antichambre, elle empoigna d’une main mes cheveux, qui étaient flottants sur mes épaules, elle prit de l’autre son miroir de toilette ; elle employa toute sa force pour me traîner dans cet état jusqu’à la porte du cabinet, et l’ouvrant du genou, elle offrit à l’étranger, que le bruit semblait avoir arrêté au milieu de la chambre, un spectacle qui ne dut pas lui causer peu d’étonnement. Je vis un homme fort bien mis, mais d’assez mauvaise mine. Dans l’embarras où le jetait cette scène, il ne laissa pas de faire une profonde révérence. Manon ne lui donna pas le temps d’ouvrir la bouche. Elle lui présenta son miroir : Voyez, monsieur, lui dit-elle, regardez-vous bien, et rendez-moi justice. Vous me demandez de l’amour. Voici l’homme que j’aime, et que j’ai juré d’aimer toute ma vie. Faites la comparaison vous-même. Si vous croyez lui pouvoir disputer mon coeur, apprenez-moi donc sur quel fondement, car je vous déclare qu’aux yeux de votre servante très humble, tous les princes d’Italie ne valent pas un des cheveux que je tiens. Pendant cette folle harangue, qu’elle avait apparemment méditée, je faisais des efforts inutiles pour me dégager, et prenant pitié d’un homme de considération, je me sentais porté à réparer ce petit outrage par mes politesses. Mais, s’étant remis assez facilement, sa réponse, que je trouvai un peu grossière, me fit perdre cette disposition. Mademoiselle, mademoiselle, lui dit-il, avec un sourire forcé, j’ouvre en effet les yeux, et je vous trouve bien moins novice que je ne me l’étais figuré. Il se retira aussitôt sans jeter les yeux sur elle, en ajoutant, d’une voix plus basse, que les femmes de France ne valaient pas mieux que celles d’Italie. Rien ne m’invitait, dans cette occasion, à lui faire prendre une meilleure idée du beau sexe. Manon quitta mes cheveux, se jeta dans un fauteuil, et fit retentir la chambre de longs éclats de rire. Je ne dissimulerai pas que je fus touché, jusqu’au fond du coeur, d’un sacrifice que je ne pouvais attribuer qu’à l’amour.
► ROBBE-GRILLET A., Le Miroir qui revient.
► ROUSSEAU J.-J., Les Confessions, livre II (lorsque Jean-Jacques essaie d’entrer dans la chambre de Madame Basile au livre second : « Un jour qu’ennuyée des sots colloques du commis elle avait monté dans sa chambre... mais il y avait à la cheminée une glace qui me trahit » ; voir aussi le commentaire de J. STAROBINSKI dans L’Å“il vivant).
► SCUDERY (de) M., Clélie (la jeune fille au miroir est un topos du XVIIe siècle).
► STENDHAL, Le Rouge et le Noir (passage où Julien observe un jeune évêque qui s’entraîne devant un miroir à faire des bénédictions, et où, par un double effet de miroir, Julien s’identifie à lui ; voir aussi la célèbre phrase « Un roman est un miroir qui se promène sur une grande route... »).
► THOMAS, Tristan et Iseut, fragment du manuscrit de Turin, traduction Zorlu et Yrle, vv. 941-990 (image de l’aimée, illusion de la vie).
► TOURNIER M., Gaspar, Melchior et Balthazar, ed. Gallimard, 1980 (de « J’étais alors un voyageur sédentaire » à « Un reflet de l’Å“uvre adulée »).
► TOURNIER M., Vendredi ou les limbes du Pacifique, ed. Gallimard, 1967 (de « Cette antipathie pour son propre visage » à « le visage humain de son maître » ; Robinson se découvre autre dans l’image que lui renvoie le miroir : celui-ci révèle les effets de la solitude, déshumanisation et réapprentissage de la communication).
► VIAU (de) T., La Maison de Sylvie.
► WILDE O., Le Portrait de Dorian Gray.
► ZOLA E., La Curée.
Peintures :
Le miroir est par excellence un thème de la peinture, d’autant plus intéressant quand le miroir reflète autre chose que ce que l’on voit ou qu’on est censé voir.
► MATISSE, Les Aubergines.
► TITIEN, L’amour profane.
► VAN EYCK, Le fameux mariage de Arnolfini.
► VELASQUEZ, La Venus au miroir.
► VELASQUEZ, Les Ménines.
Compléments
► Le miroir est un thème récurrent de la poésie baroque (eau gelée, minéralisation...). Dans L’Anthologie de la poésie baroque de J. ROUSSET, la partie III du tome 1 intitulée « L’eau et le miroir » propose plusieurs poèmes sur ce thème.
► Dans les films de J. COCTEAU Orphée et La Belle et la Bête on trouve une conception intéressante du miroir qui n’est pas loin de celle des portes dimensionnelles que l’on trouve dans certains films de science-fiction.
► Dans le chapitre 9 de Lire à plaisir, textes et thèmes pour les classes de 2de et de 1re, ed. Ellipses, on trouve une étude du thème du miroir accompagnée d’une suggestion de textes à exploiter en lecture méthodique, des sujets de commentaire composé.
► Le numéro 706 de TDC propose un dossier « Le miroir dans la peinture » qui permet d’illustrer le thème à l’aide de tableaux.
► Remarque : un vampire n’a pas de reflet dans le miroir...
Introduction
► Présentation du thème (intérêt, étymologie, historique, symbolisme, le miroir dans l’art).
Groupement 1 : le miroir révélateur des sentiments
► HUGO V., Les Misérables, 1862, IVe partie, livre XV, chapitre 1 : « Peut-être serait-il sage [...] un sourd mugissement » (le miroir révélateur des sentiments d’un père).
► BARBEY D’AUREVILLY J., L’Ensorcelé, 1855, XI : « Mais qué que vous me paierez [...] comme un bÅ“uf assommé » (miroir, jalousie, magie, surnaturel et fantastique). Débat en classe : surnaturel ou effet de l’obsession ?
► TOURNIER M., Vendredi ou les limbes du Pacifique, ed. Gallimard, 1967 : « Cette antipathie pour son propre visage [...] le visage humain de son maître » (le miroir révèle les effets de la solitude, déshumanisation et réapprentissage de la communication).
► ROUSSEAU J.-J., Les Confessions, livre II : « Je la vis plusieurs fois seule [...] me transporte encore en y pensant » (le miroir indiscret).
► STAROBINSKI J., L’Å“il vivant : « Jean-Jacques s’est avancé à pas de loup [...] Tout en imposant son nom au public » (critique du texte précédent).
► CAMUS A., La Chute, ed. Gallimard, 1956 : « J’exerce donc à Mexico City [...] avec un grand sentiment de fraternité » (commentaire composé rédigé).
Groupement 2 : le miroir, image de l’absent
► ARAGON L., Le Fou d’Elsa, ed. Gallimard, 1953, « Le Miroir » (utilisation du miroir dans un poème d’amour).
► LA FAYETTE (de), La Princesse de Clèves, 1678 : « Sitôt que la nuit fut venue [...] sans songer sur les moments lui étaient précieux » (le jeu des regards, assimilable à un jeu de miroirs).
► TOURNIER M., Gaspar, Melchior et Balthazar, ed. Gallimard, 1980 : « J’étais alors un voyageur sédentaire [...] Un reflet de l’Å“uvre adulée » (l’évolution du rôle du miroir dans le rêve de Balthazar).
► THOMAS, Tristan et Iseut, fragment du manuscrit de Turin, traduction Zorlu et Yrle, vv. 941-990 (l’image de l’aimée, illusion de la vie).
► Travail personnel : recherche de peintures contenant un miroir, révélateur d’un objet ou d’une personne absente de la toile. Travail d’analyse des toiles trouvées, et classement selon les thèmes apparaissant de le miroir.
Groupement 3 : Narcisse - le double, fascination et répulsion
Groupement 4 : Autoportrait et miroir du peintre
Groupement 5 : L’obsession du double chez Maupassant
► MAUPASSANT (de) G., Le Horla.
► MAUPASSANT (de) G., Pierre et Jean.
Ce document constitue une synthèse d’échanges ayant eu lieu sur Profs-L (liste de discussion des professeurs de lettres de lycée) ou en privé, suite à une demande initiale postée sur cette même liste. Cette compilation a été réalisée par la personne dont le nom figure dans ce document. Fourni à titre d’information seulement et pour l’usage personnel du visiteur, ce texte est protégé par la législation en vigueur en matière de droits d’auteur. Toute rediffusion à des fins commerciales ou non est interdite sans autorisation.
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