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dimanche 21 août 2005
Par Frédéric Torterat d’Aboville
Enjeux d’un projet annuel pour une classe de troisième, dans la perspective d’une liaison intercycles.
La classe de troisième occupe, dans le secondaire, une place très particulière. En tant que fin de cycle, elle s’inscrit dans une problématique de transition ; comme année d’épreuve nationale (la toute première), elle comporte des enjeux personnels non négligeables - et comme moment privilégié de détermination individuelle, elle implique une vraie responsabilisation de l’élève, pour cette fois auteur, plus ou moins, d’un avis bien à lui et de toute manière contraint, en partie, de se déterminer.
La démarche didactique projetée réclame par conséquent de constants aménagements (et réaménagements) en cours d’année, pour un public d’élèves quelquefois très hésitant, à la fois tenté par le sur-place et la projection dans un à venir insaisissable. Même s’il refuse de l’admettre, l’élève comprend que les enseignements qui lui ont été prodigués jusque là ont cherché à construire une culture commune qui l’ouvre au monde, et notamment celui du travail (qu’il y diffère son entrée ou non), mais qu’en contrepartie, il est peut-être temps de s’y positionner.
En français plus particulièrement, l’enseignant s’attache donc à ce qui fait véritablement la personne, mais aussi ce qui construit l’individu dans le groupe, ses singularités, et, à cette occasion, à l’expression de soi. D’autre part, un décloisonnement accompli entre les dominantes de la discipline le conduit à regrouper certaines séances autour de ce qu’en seconde il convient d’appeler les objets d’étude (et que la troisième aborde, elle aussi, dans une vue propédeutique), tout en n’oubliant pas que son projet à lui est censé permettre à ses élèves de dégager le leur. Et voici que la troisième apparaît comme l’occasion de revenir sur des savoir-faire transversaux tels que verbaliser devant les autres, formuler et (se) reformuler, mettre en regard des points de vue différents, et bien sûr les confronter en y apportant une conclusion ouverte (Cf. le J.O. du 06 juillet 2004). Or, quand nous reprenons nos textes officiels concernant l’éducation à la citoyenneté (Circulaire n° 96-103 du 15 mai 1996), et que nous nous voyons confirmer que les enseignants sont invités, en troisième, à relever avec les élèves « les défis de notre temps », une telle incitation n’a rien de superflu.
Après avoir appris à manipuler le récit long, avec du dialogue notamment, l’élève s’exerce donc à se justifier, à déduire les avis des autres, à débattre, à s’expliquer, à dégager une problématique. Avec pour supports principaux les littératures française et européenne des XIXe et XXe siècles, le récit peut alors être envisagé comme un texte construit d’une certaine manière, avec un certain savoir faire de l’écrivain : on comprend ainsi ce qui fait toute la « fabrique » du texte, de même que de l’image, fixe ou mobile, dont on aborde aussi la réception. La préparation du Brevet des collèges, premier examen vers un vrai projet personnel (seconde ou autre), contribue à tout cela et n’est en rien « coupé » de cet ensemble, au demeurant difficile à mettre en place.
L’affirmation de sa propre individualité dénonce un passage d’autant plus obligé qu’il s’appuie sur un tournant sociologique majeur de nos sociétés contemporaines, tout en s’inscrivant parmi des débats philosophiques passionnés. L’individu-élève intègre une communauté culturelle, une citoyenneté, mais avant tout une contrainte de discernement. Des programmes de sixième, où il est question pour les élèves de « structurer leur jugement, savoir s’exprimer et enrichir leur imaginaire » à ceux de seconde, où l’on reconnaîtra les mêmes directives, tout indique que l’individualité doit s’inscrire dans une « culture commune » sans laquelle il n’existe pas de démarche citoyenne dans un monde où, à dire vrai, rien n’est plus présent que l’illusion, l’éparpillement et la mémoire courte. D’ailleurs, nos élèves ne se lassent pas d’essayer mille personnalités qu’ils s’attribuent avec une facilité déconcertante. Dans cette vue, et pour résumer avec Guillaume Fraissart et Macha Séry, « qui n’a jamais rêvé de se glisser dans la peau d’un autre ? qui n’a pas souhaité un jour démultiplier son existence, sortir de son milieu social, réaliser une passion ? » (« Quand la télé orchestre le choc des cultures », Le Monde Télévision du samedi 13 septembre 2003 (4-5)). Le cinéma met ainsi en scène des personnages frappés d’un sort analogue : tel pirate qui ne ressent plus ce qu’il avale, telle femme qui, à présent qu’elle peut voir, visite le monde impitoyable de l’au-delà . Sans parler de ces comics qui, comme pour payer le prix de leur étrangeté, sont contraints de se tenir à l’écart ou vivre diminués en temps normal. Cette moralité persistante, et même en un sens ressassée, corrige invariablement la même généralité, laquelle se résumerait facilement par le proverbial on n’a rien sans rien, et qui consiste aussi à s’ouvrir plus concrètement à l’autre. Ainsi les Accompagnements 3e nous invitent-ils plus particulièrement à revenir sur les productions qui sortent du seul patrimoine national :
Parmi les textes à lire, le programme de la classe de 3e réserve une place particulière à « l’ouverture aux littératures étrangères, notamment européennes » et demande aux professeurs d’inclure dans les Å“uvres étudiées au cours de l’année « au moins un titre pris dans les littératures européennes » (19).
On comprendra alors que la manière d’envisager une sélection d’ouvrages plus ou moins hors liste(s) relève bien d’une démarche « personnelle » (M. Bertoncini, 2002 : 27), laquelle est donc laissée à la discrétion des enseignants, d’autant que les Accompagnements indiquent explicitement que les titres répertoriés dans les listes sont « non limitatifs » (19). On retiendra à cette occasion la recommandation suivante : « afin de rendre manifeste le phénomène de la traduction, d’exercer le regard critique des élèves et de motiver l’accès à la langue d’origine, certains extraits peuvent être présentés et lus simultanément à travers plusieurs traductions différentes » (19), lesquelles présentent des normes morales et esthétiques éventuellement variées.
Enfin, parler de soi implique bien le fait de se positionner par rapport à l’autre, et en classe de français, cette démarche passe surtout par le dire. Autant de questions spontanées viennent tout de suite à l’esprit de l’enseignant, telles qu’à travers quel point de vue est envisagée l’action ?, qui rapporte les propos indirectement ?, de quelles manières l’énonciateur circonstancie-t-il l’action narrative ?, lesquelles vont toutes dans ce sens.
On a sans doute assez rappelé ce que sont les objectifs généraux de la classe de troisième en français, qui insiste notamment sur la compréhension et la pratique de l’argumentation, sous toutes ses formes et sur des supports variés. Sollicitée en partie en sixième avec le conte, l’apologue et d’autres récits ou dialogues dramatiques courts, et dans une moindre mesure en cinquième et en quatrième, qui constituent à ce sujet une « pause » d’autant plus légitime qu’elles permettent de l’aborder à travers ses composantes les plus évidentes (comme l’explication, le commentaire, les insertions d’avis), l’argumentation est une innovation en troisième dans ce sens où elle incite les élèves à envisager, au-delà justement des composantes du texte, ce qui fonde l’unité d’une démarche.
Les deux autres objectifs principaux de la classe de troisième ont une portée philosophique évidente, laquelle, parmi d’autres approches du monde « extérieur » à l’adolescent, ressortit à une recherche d’intégration personnelle, avec précisément l’expression de soi et la prise en compte d’autrui. Il s’agit donc de s’impliquer dans ce qui est donné à voir, comme un récit ou un dialogue délibératif par exemple, mais aussi d’y placer sa propre manière de voir, tout en prenant éventuellement des distances par rapport à ce qui est allégué. Cette dialectique du rapprochement et du détachement s’avère tout à fait conforme aux productions effectuées en équipe à l’occasion des I.D.D., lesquels partent, comme les T.P.E., d’une thématique qu’il s’agit de problématiser en groupe. D’un côté, l’adolescent particularise, de l’autre il généralise : n’est-ce pas ce que la société exigera sans cesse de lui ? A certains moments, il devra (re)contextualiser, à d’autres au contraire, il sera obligé de décontextualiser. Ainsi en troisième, le fait de formuler une critique, de faire preuve d’ironie, d’humour ou de dérision, mais aussi de dégager une opinion explicite, de cerner des émotions, ou de distinguer, par ailleurs, ce qui est dit sous le coup de l’émotion et ce qui ne l’est pas, mobilisent énormément l’élève, et le bousculent à bien des égards (surtout quand il convient de reformuler l’opinion d’autrui, entre autres, sans y placer la sienne ou bien sa propre vision). L’élève apprend ainsi à envisager les avis formulés dans leur dimension individuelle, mais aussi sociale et culturelle. C’est à ce titre que l’appropriation de repères culturels donne un sens non négligeable à l’activité de lecture.
De multiples questions nous viennent là aussi à l’esprit, qui pourront être posées : quel est le rôle de cette intervention du narrateur ? la scène est-elle vue de l’extérieur ou à travers les yeux de quelqu’un en particulier ? pourquoi ce texte comporte-t-il tellement d’expressions de la concession et de l’opposition ? quelle est la part, dans celui-ci, des opinions personnelles par rapport aux généralités ? Tout est bon alors pour discerner la portée politique, critique, de telle marque d’humour ou de telle analogie, tandis que les relations entre le verbal et le visuel, fixe ou mobile, seront également couramment sollicités, et pourquoi pas dans leur dimension ontologique. En outre, on ne répétera pas assez que l’adolescent d’aujourd’hui vit dans une société remplie d’illusions et de bruit, et en même temps sensiblement disproportionnée, qu’il a beaucoup de mal à comprendre (dans nos classes, l’oral désordonné ne devient-il pas de l’indiscipline à partir du moment où il s’avère cacophonique, quand les interventions deviennent intempestives et digressives ?). Ce terme de disproportion d’ailleurs, qui renvoie à une vision difficile de soi dans sa propre nation chez Robert Walser, et à un temps plus ou moins (dé)synchronisé chez Peter Sloterdijk, est couramment employé par les élèves dans les débats qui portent sur ce thème ou s’en rapprochent. Les petites particularités du quotiden que connaît l’élève sont ainsi jetées dans une série d’événements qui se bousculent, et c’est alors que la lecture à voix haute devient en classe un recours indispensable. Comme l’explique très bien F. Tellier 2003 (95-96) :
(...) l’écrivain commande, il commande au réel en un acte qui n’est pas un acte de pure idéalisation, mais qui institue l’intention autour de laquelle la société peut dépasser l’atomisme du détail, l’écrasante diversité des situations particulières pour se recomposer dans la trame d’un même drame.
Le fait de se reconnaître dans un personnage, une histoire, une anecdote quelconque ne prive en rien l’élève de faire place à sa propre imagination, d’autant que la fiction se prête effectivement à toutes les reconstructions (la voie des « possibles narratifs », pratiquée depuis au moins la classe de cinquième, semble à cet égard tout à fait appropriée). L’élève de troisième s’accapare ce qu’il veut, mais aussi prend des distances salutaires par rapport au réalisme du récit, ou au contraire à l’invraisemblance d’une scène par exemple, alors que tout l’invite visiblement, dans son quotidien, à déambuler comme il le peut dans un hyper-réalisme que Jean Baudrillard qualifie à juste titre d’ « obcène » (Voilà ce qu’il en dit, dans Mots de Passe (34) : « Lorsque les choses deviennent trop réelles, qu’elles sont immédiatement données, réalisées, qu’on est dans ce court-circuit qui fait que les choses se rapprochent de plus en plus, on est dans l’obcénité. (...) Notre malédiction à nous est (...) d’être ultra-rapprochés, (...) et ce monde trop réel est obcène »). Dans d’autres termes, l’adolescent subit l’imprégnation du monde alentour auquel il tente de s’intégrer, tout en lui résistant dans une certaine mesure, ce qui renvoie d’une certaine manière à la formule de Karl Jaspers sur la « situation-limite de la faute ». A contrario, tout l’invite à jouir de soi, à s’épanouir, à devenir plusieurs à la fois (Cf. le très déresponsabilisant c’est pas moi !). Comme le rappelle assez correctement P. Marie 2004 (27) :
Nous ne pouvons nous arrêter de produire de quoi faire exister l’Autre. Le temps objectif de la course des astres et le temps subjectif de la conscience sont des temps symbolique et imaginaire qui s’articulent au temps réel de la jouissance.
(...) La jouissance est ainsi très proche de l’agieren, non pas l’acte, acte en allemand se dit Tat ou Handlung, mais, suivant son étymologie latine, agere, plutôt accomplir, exprimer par le mouvement.
Simultanément l’élève assiste à l’apparition d’un « humanisme polycentrique », pour reprendre cette fois-ci l’expression de R. Argullol (2004), et à de nouvelles formes de civisme dans lesquelles il essaie tant bien que mal de prendre ses marques et d’imaginer des liens. Et nous sommes là pour l’assister, bien entendu, dans cette démarche compliquée.
a. Le brevet des collèges
Depuis 2000, le brevet des collèges s’affirme nettement comme un examen à la fois certificatif et prédictif, ce qu’il sera toujours après les remaniements en cours qui deviendront effectifs à partir de la rentrée 2006. En certifiant en effet un certain nombre de capacités, notamment transversales, il joue son rôle de sélection à l’appui des évaluations pratiquées dans les classes de quatrième et de troisième, dont il ponctue les enseignements. Prédictif par ailleurs, le brevet des collèges permet d’en savoir plus sur les élèves qui seront confiés aux enseignants par la suite, et notamment ceux de la seconde : les modules et la programmation des apprentissages apparaissent en transition directe avec l’examen, notifié par établissement (une liste académique établissant également les écarts entre les résultats obtenus en quatrième-troisième et ceux du brevet).
En outre, les intitulés retenus correspondent de plus en plus nettement aux objets d’études de la seconde, comme par exemple le biographique (Amérique du sud 2004), l’argumentation à travers le délibératif (Amiens 2004), ou encore la production et la réception des textes (Polynésie française 2004) et bien sûr le roman. Le rôle de transition s’affirme donc dans le concret, sans s’arrêter pour autant aux seules connaissances disciplinaires.
b. Les savoir-faire transversaux
Commencée en 1995 avec la classe de sixième, la rénovation des programmes du collège s’est achevée en 1999-2000 avec le début de celle des programmes des lycées (laquelle s’est prolongée jusqu’en 2002, notamment concernant les T.P.E.), mais aussi des cycles de l’école primaire. Ambitieuses, ces reconstructions académiques se conforment à deux principes didactiques suivants : d’une part, la formation des élèves comprend des cycles entre lesquels, après évaluation éventuellement, il convient de ménager une transition adaptée ; d’autre part, cette liaison intercycles doit pouvoir se faire aussi bien à l’intérieur du premier ou du second degré, qu’entre eux.
De son côté, le Document d’accompagnement du programme de 2nde (2000) déclare que « les nouveaux programmes du lycée font suite aux récents programmes du collège et entendent établir une liaison cohérente entre les cursus. (...) L’approche littéraire, à travers l’étude de textes porteurs de références culturelles de la sixième à la troisième, et par l’intermédiaire d’une initiation à la lecture critique, occupe désormais une place importante au collège ; l’étude de la langue, telle qu’elle est définie par les nouveaux programmes, a vocation à se prolonger au lycée » (40). Dans cet esprit, « parmi (l)es relations (de contexte), celles qu’un texte entretient avec d’autres textes, contemporains mais aussi antérieurs, sont à mettre au premier rang » (6). On sensibilise ainsi les élèves à « la mixité et à la subversion » des normes esthétiques, qu’on approfondit en première.
Sur un autre plan, « les registres (étant) la manifestation par le langage de ces grandes catégories d’émotions et de mouvements de sensibilité » (Document (...) : 10), on reconnaîtra volontiers que,
Durant leur scolarité au collège, les élèves ont eu à lire des Å“uvres qui « portent des références culturelles majeures », de l’Antiquité à nos jours. (...) Mais un des rôles spécifiques du lycée, une de ses différences par rapport au collège, est aussi de proposer une approche plus réflexive. L’histoire littéraire et culturelle est donc envisagée de plusieurs façons :
► par la nécessaire mise en contexte de tous les textes et de toutes les Å“uvres étudiés ;
► par l’étude méthodique des données historiques, esthétiques et sociales essentielles pour construire la notion de mouvement littéraire et culturel, autour de la lecture d’Å“uvres majeures ;
► par l’étude des changements qui adviennent pour les principaux genres (5).
Comme il est résumé par exemple dans le premier numéro de l’Ecole des lettres 2001-2002, l’enseignement du français au lycée porte principalement sur des Å“uvres littéraires significatives, à l’appui desquelles on invite les élèves à relever les questionnements dont elles sont porteuses (57). En prolongement, la seconde favorise donc la notion de mouvement littéraire, plus ouvertement francophone, là où la première favorise plutôt celle de phénomènes littéraires et culturels, et notamment de dimension européenne. Il s’agit, en somme, d’apprendre aux élèves à « mieux contextualiser les Å“uvres qu’ils lisent » (61). Dans cette vue, et à travers un suivi entre les deux cursus, une réappropriation du conte par exemple, présenté comme tel en troisième, par les objets d’étude de seconde-première (le genre narratif, production et réception des textes, le biographique) peut être une liaison privilégiée. Or, en la matière, mille possibilités existent.
Sur la question des normes esthétiques, les élèves de troisième, qui ont abordé un certain nombre de genres littéraires depuis la sixième, assisteront sans grande difficulté à leurs éventuels détournements (par exemple à des fins morales, qu’on appellera volontiers apologétiques en seconde, et notamment philosophiques en première). Concernant plus particulièrement les spécificités culturelles des Å“uvres, le recours à des thématiques accessibles comme la métamorphose ou le double, figurent parmi d’autres pistes envisageables. La liste demeure bien entendu ouverte, et c’est pourquoi nous avons présenté les séquences didactiques qui suivent sans thématique de genre imposée, et en tâchant de ménager un équilibre entre l’écrit et l’oral, mais aussi entre les enjeux de la production et ceux de la réception. Une progression purement linéaire des textes en Å“uvres intégrales s’impose, là où l’inscription des autres dominantes dans l’ensemble répond à l’exigence bien compréhensible du décloisonnement. La forme tabulaire, de son côté, demeure encore la représentation la plus synoptique du caractère combinatoire et entrecroisé des relations entre les dominantes, la thématique ou problématique de la séquence elle-même demeurant bien sûr à l’initiative de l’enseignant.
La lecture cursive des ouvrages avant leur approche en classe, pour sa part, peut prendre deux formes, lesquelles sont liées à la capacité individuelle des élèves à lire une Å“uvre intégrale par eux-mêmes. De toutes les manières, elle s’avère indispensable en ceci qu’il convient de partir des représentations des élèves. La lecture cursive par chapitres, dont la répartition se prête bien à la lecture analytique, laquelle « ne désigne pas un exercice d’évaluation, mais bien une activité de lecture pratiquée en classe » (D. Laboureau, 2000 : 60), peut se pratiquer avec ceux qui sont le moins habitués à la lecture personnelle, là où d’autres, de leur côté, peuvent évidemment avoir lu auparavant (ou parcouru) l’ouvrage en entier. Les Accompagnements 3e formulent d’ailleurs cette directive dans ces termes :
L’étude de l’Å“uvre intégrale appelle, idéalement, une lecture cursive préalable de l’Å“uvre par les élèves, une évaluation de leur réception première, et une analyse de l’Å“uvre considérée comme un « tout de signification » (18).
En somme, les premières réactions des élèves formeront le fonds principal de l’analyse, et c’est pourquoi des questions préparatoires à consignes grammaticales sont notamment à privilégier : par exemple, les liens entre les temps verbaux et les compléments circonstanciels, « éléments porteurs d’une signification » (Acc. des programmes de 5e et 4e, 1997 : 18), permettent-ils aux élèves de déblayer des hypothèses qui seront confirmées ou infirmées en classe, dans la mesure où l’inventaire des compléments verbaux a déjà été pratiqué en cinquième et en quatrième.
On notera qu’en seconde, une place de premier plan est laissée à la manipulation du système verbal, lequel va de la voix passive et des formes unipersonnelles - voire elliptiques - du verbe, aux éventuelles valeurs contextuelles des modes employés. Tout cela s’effectue sans oublier le recours aux substituts (pro-)nominaux, au maniement des termes et des locutions de cohésion textuelle, ce que le B.O. hors série n° 6 du 12 août 1999 répertorie entre autres à travers les questions touchant à la cohésion (du texte). Changements de points de vue, de temps, de personne(s), de registres, tournent autour de l’activité transversale majeure qu’est la reformulation-réécriture, qu’on peut d’ores et déjà pratiquer en évaluation formative en troisième.
D’un autre côté, plusieurs possibilités de lancer les ouvrages sont bien entendu envisageables en troisième (cf. là -dessus C. Dubois et N. Pigeaud (2002) ), et pourquoi pas, déjà , autour d’un phénomène littéraire (Français, classes de seconde, première et terminale, 1995) : de manière générale, il s’agit d’inviter l’élève à formuler des avis, que ce soit pour les confirmer ou non, et à l’ « amener à observer et à interpréter, pour transformer les impressions ou hypothèses premières en directions de recherche et en axes d’interprétation » (Accompagnements 3e : 17). Ainsi, on articulera les analyses fragmentées (« un extrait dont une partie justifie le choix et les limites, un chapitre » par exemple (ibid. : 18-19) ) avec une lecture d’ensemble. Effectivement, la troisième est aussi l’année, nous l’avons dit, de la lecture critique, celle-ci menant vers une compréhension du sens. Or, le brevet suit de près la démarche analytique de ce qui se fait en classe, dont les consignes, décloisonnées et elles aussi combinées dans le cadre d’axes de lecture, s’inspirent ouvertement. Comme y invite l’Accompagnement 5e-4e (18), « cette démarche implique que l’enseignant prenne le risque d’accepter les propositions des élèves pour construire avec eux l’analyse ». On conviendra, avec D. Laboureau (op. cit. : 61), que « la démarche inductive, telle qu’elle est décrite dans les textes, doit encourager les interactions variées : entre le texte et l’élève, entre l’élève et le professeur et entre les élèves eux-mêmes - le tout, bien sûr, sans perdre de vue l’objectif de la séance et en évitant, autant que possible, de dépasser le temps imparti... La tâche est loin d’être simple ! Cette activité est sans doute l’une des plus complexes à conduire (...), mais, il faut aussi le reconnaître, l’une des plus passionnantes ». Cette pratique pédagogique met en jeu, à cette occasion, des connaissances à la fois méthodologiques, linguistiques et culturelles. A l’appui des Accompagnements 3e, nous admettrons alors avec eux qu’il s’agit bien de :
- permettre une appropriation par l’élève de l’Å“uvre étudiée (identification, projection, distanciation par rapport au cadre, aux personnages, à la vision du monde du ou des auteurs) ;
► favoriser une insertion dans la communauté culturelle (...) ;
► offrir la possibilité d’un rapport au monde différent de celui qui est habituellement entretenu dans les autres domaines du savoir. L’accès à un univers symbolique et à d’autres systèmes de signes p(ouvan)t aider l’élève à développer son imaginaire et exprimer sa créativité ;
► viser l’acquisition de méthodes d’analyse et d’expression qui favoriseront l’exercice d’un jugement personnel et rendront possible un regard critique sur les productions discursives, esthétiques ou culturelles de natures diverses (37).
Pour la pratique du débat enfin, il est facile de demander comme travail préparatoire aux élèves de collecter des documents, de formuler une conclusion intermédiaire et de la faire étayer par quelques arguments et exemples. Une répartition des élèves par groupes, avec un rapporteur par groupe (dix minutes semblent propices), permet de confronter les résumés sur le thème ou la problématique abordé.
Autant d’exigences qui insistent donc sur cette dimension personnelle, comportementale même, et notamment (dé)ontologique de la mise en place des parcours didactiques propres à l’année de troisième. Or, l’enseignant y est plus que jamais amené, à travers ses pratiques pédagogiques, à interpeller ses élèves sur des questions de société.
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