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Article : [310] - Correction de devoirs


vendredi 8 juillet 2005

Par Emmanuelle Lorenzini

Il s’agissait de partager des pratiques concernant la correction des devoirs, afin de la rendre dynamique, intéressante, productive et efficace...
Synthèse mise en ligne par Valentine Dussert ; dernière actualisation le 25 juillet 2007.

Constats et méthodes

  Je vous suis tout à fait : une correction qui ennuie les élèves ne peut que les renforcer dans leur sentiment d’échec et ne les encourage pas à prendre confiance en eux et à progresser. Or toute correction de travail a deux visées : une, rétrospective (voilà ce qui a été fait et ce en quoi ce n’est pas bon) ; en rester là est absurde, puisque les élèves n’ont pas à refaire (sauf exception) le travail qu’on leur a rendu, ce qui n’aurait aucun sens, puisque le professeur leur a donné la réponse et la procédure exactes ; une, prospective, pour que les élèves profitent de cette correction, qu’elle soit aussi une préparation au travail suivant. Cela implique donc une stratégie d’ensemble sur les travaux que l’on demande aux élèves. C’est plus facile à dire qu’à faire, je le sais, et il m’arrive de ne pas y parvenir, mais le principe me paraît en tout cas juste. Pour être constructif, voici comment j’ai appris à procéder, au cours de mes dizaines d’années de pratique. Cela dit, tout ce qui suit n’a de sens que pour ceux de nos élèves qui veulent réellement progresser...
1 - Je pars d’exemples positifs trouvés dans leurs copies. En citant leurs auteurs (ex : ainsi que l’a justement écrit X ici, et je lis le passage) ; cela peut aller jusqu’à lire une bonne copie. L’objectif est de montrer aux élèves qu’eux-mêmes ont fait quelque chose de bien, que tout n’est pas dû au génial prof !
2 - Je peux alors leur montrer à l’aide de quelques exemples négatifs ce qu’il ne faut pas faire.
3 - Pour terminer, je leur fais faire un exercice équivalent (ex : une partie de commentaire de texte, une introduction et une conclusion sur un texte appartenant au même genre littéraire, à la même séquence, etc...), et je la valorise par une note ou une annotation positive.

  Pour une dissertation : je reprends l’analyse du sujet, je donne les grandes lignes du plan et je leur fais chercher en cours les idées à mettre dans chaque partie, à partir de ce que chacun a trouvé, idem pour intro et conclusion ; pour un commentaire, la même chose ! J’ai déjà pratiqué l’exercice en inspection, cela avait plu, le seul reproche qui m’a été fait, était de ne pas avoir donné le résultat final en photocopie mais de le leur avoir laissé écrire. Pour l’invention, je ne sais pas ! je donne les grandes idées ou plutôt les attentes !

  Je n’ai pas non plus de solution miracle mais voici comment je procède pour la correction d’un commentaire. Tout d’abord, j’ai une grille d’évaluation. Lors du 1er commentaire, je remplis moi-même la grille, ils doivent alors observer la grille individuellement, je circule, s’il y a des points qu’ils ne comprennent pas je réponds à leurs questions. Je leur demande ensuite d’écrire sur une feuille les erreurs qu’ils doivent selon eux prioritairement éviter lors du prochain devoir, ils ont le droit d’avoir cette feuille avec eux pour le devoir suivant. Sinon, pour corriger à proprement parler le DST, j’utilise des transparents. Soit, j’écris sur des transparents avec des feutres. J’utilise alors ces transparents comme un brouillon qui leur montre exactement comment je procède pour analyser le texte. J’y écris même mes tâtonnements, mes hésitations, avec des points d’interrogation, puis ce qui me permet de conclure dans un sens plutôt que dans un autre. Soit je photocopie le texte sur un transparent et nous corrigeons ensemble en relevant les différents types de procédés. La correction est alors plus interactive, ils viennent les uns après les autres au tableau et soulignent sur le texte les mots. Puis on essaie ensemble d’en tirer des interprétations. A la fin d’une correction, ils doivent toujours rédiger une sous-partie du plan de correction, soit celle de leur choix, soit une que je leur impose. Je trouve que c’est une manière de vérifier qu’ils se sont appropriés la correction et qu’ils l’ont vraiment bien comprise. On a parfois des surprises, des élèves qui avaient l’air d’avoir compris et qui déforment tout ce que j’ai dit en classe. Le fait de savoir qu’ils ont ce travail à faire les motive aussi pour écouter la correction...

  Voici mon choix pour la dissertation que je corrige actuellement : (a) lecture, analyse du sujet ensemble, et plan-problématique. (b) introduction : 5 exemples et un tableau dans lequel il s’agit de dire ce qui convient et ce qui ne convient pas dans l’intro, en expliquant pourquoi. Temps de travail perso, puis mise en commun. (c) développement : on va retravailler ensemble sur le plan détaillé, puis ils donneront et ordonneront les idées. Ensuite en groupes de 3-4, rédaction d’un §. Je récupère le tout et reconstruis un développement rédigé. Puis rédaction d’une intro complète. (d)-conclusion : idem que l’intro, avec 3 exemples uniquement. Puis rédiger une conclusion à la lecture du développement réalisé en groupe. Certitude : ça prend du temps !!! Mais de la sorte, ils apprennent à corriger les erreurs, à s’aider pour acquérir les mécanismes de l’exercice... et j’espère que cela leur sera profitable (en gros je mets 3 à 4 heures). La préparation du professeur demande aussi pas mal de travail...

  Quelques trucs dans mes corrections de devoir : je cite les élèves, nominalement ou pas, lisant des passages de leurs travaux que j’ai recopiés, pour les corriger ou montrer aux autres ce qui est bon et digne d’être imité (paragraphes, exemples, remarques). Je demande nominalement à un tel ou à tel autre ce qu’il pense du passage lu, ce qu’il y apporterait ou en retrancherait ; je demande aussi à tous les raisons pour lesquelles je cite. Enfin, on peut varier à l’infini. Je polycopie des exemples de ce qu’il faut faire, ne pas faire, et dans le moyen terme ce qui est améliorable. Tout le monde se prend au jeu et la méthode, à ma grande surprise, entre dix fois mieux qu’avant (surtout pour le § en seconde, idée + exemple + analyse de l’exemple, toutes ces choses barbantes sont passées cette année comme une lettre à la poste). Enfin, même si cela reste parfois magistral, je ne construis le corrigé (dans le cas de devoirs en Terminale par exemple) qu’à partir de ce qui a été trouvé par la classe ; si j’ajoute quelque chose, je dis que c’est de moi. Bien sûr, les uns écoutent pour savoir « de qui » est telle idée, les autres se prêtent plus intelligemment au corrigé et collaborent. J’ai trouvé ces modestes choses pour dissiper l’ennui épais des reprises de devoirs. C’est bien élémentaire mais ça porte quelques fruits.

Une méthode plébiscitée : l’utilisation de copies d’élèves

  Une bonne solution aussi peut-être de photocopier des copies d’élèves, selon le cas une bonne, une mauvaise, une moyenne, pourquoi pas les 3... et de les faire travailler dessus. Cela n’exclut pas bien évidemment de proposer un corrigé par soi-même, mais cela rend les élèves plus actifs, et surtout cela leur permet de se rendre compte de plusieurs choses importantes : (a) que si d’autres élèves de la classe l’ont fait, ils peuvent y arriver eux aussi (pour la bonne copie !), (b) qu’il est possible d’améliorer ce qu’on a fait au départ, autrement dit qu’il est utile de faire un brouillon et de le modifier ! (pour la copie moyenne), (c) qu’ils ne sont pas les seuls à faire des erreurs - souvent ils les voient bien mieux quand ce sont les autres qui les font que lorsqu’ils relisent leur propre copie (pour la mauvaise). Le problème est que ça rallonge le temps de correction en classe, et que ça donne du travail en plus...

  Réponse au message précédent : en effet, cela rallonge considérablement le travail du professeur, mais l’intérêt des élèves en classe pour ce type de travail mérite que l’on fasse au moins une fois cet effort. Personnellement, je fais cela non pas pour des devoirs complets mais pour des phrases mal goupillées, des paragraphes tordus, des citations mal insérées dans le commentaire etc. Les élèves s’amusent beaucoup à corriger, ils ont d’ailleurs un Å“il expert en ce qui concerne les fautes de autres (et les leurs quand elles sont au tableau). Une remarque toutefois, en ce qui concerne la photocopie des devoirs, je recommande d’anonymer le travail. Ce n’est quand même pas une partie de plaisir de passer une heure à tenir le rôle de l’andouille...

  Moi aussi, je travaille à partir de copies d’élèves ou d’extraits de copies selon l’objectif de la correction. Rien de tel que de les mettre en situation de correcteur pour les faire réfléchir aux critères d’évaluation. Que se passe-t-il dans la tête d’un professeur qui corrige ses copies ? Cela donne souvent lieu à des débats surprenants ! cela me permet aussi de leur donner des petits trucs pour s’autocorriger. Cette démarche leur permet de se situer dans l’échelle de notes (pourquoi 11 plutôt que 15 ?) et de voir comment on peut enrichir sa réflexion. C’est aussi un excellent moyen de valoriser certains élèves qui manquent de confiance en eux : je choisis parfois un court extrait de leur copie (je corrige l’orthographe et la syntaxe)... les mauvaises copies ne sont jamais prises dans la classe afin d’éviter les moqueries. En aide, je fais souvent travailler à l’oreille ceux qui ont de réelles difficultés à écrire des phrases correctes : l’approche « musicale » de la langue est à l’usage plus efficace que l’approche syntaxique.On joue le texte, on le lit, on l’écoute, on s’amuse et ça marche plutôt bien. Cette année, j’ai plutôt travaillé en amont sur l’analyse du sujet en les faisant jouer au correcteur qui établit son barème. Prière ensuite de me rendre un travail pré-corrigé.

  J’ai testé à plusieurs reprises des corrections de devoir en reprenant les productions des élèves. Je procède ainsi : pour chaque partie du devoir (introduction, développement et conclusion) je choisis deux ou trois extraits (parfois une introduction entière) qui me semblent intéressants dans ce qu’il faut faire et ce qui est à éviter. Je tape tout pour éviter les critiques trop acerbes si l’un des élèves reconnaît l’écriture de son camarade. Je recopie également les fautes d’orthographe et les erreurs de syntaxe en exigeant que les élèves corrigent directement sur la feuille polycopiée. Ce dernier point me permet éventuellement de reprendre en aide individualisée ces points. En classe on fait une critique argumentée des extraits. Bien entendu on reprend l’analyse du sujet et on propose un plan commun, mais je ne le prépare jamais avant. Ce sont les élèves qui le font en fonction des extraits de leurs propres copies. Tout ceci demande un gros travail de préparation, mais je trouve qu’il est payant pour les élèves, car il s’agit d’un travail d’auto-correction, ils apprennent à argumenter et dans certains cas l’entraide se met en place.

  Pour ce type de travaux, les transparents peuvent être très utiles. Je photocopie la copie sur transparent et je la projette au tableau. (j’ai la chance d’avoir un rétroprojecteur et un tableau dont les pans se rabattent en tableau blanc). Nous corrigeons ensuite la copie ensemble. Je trouve cela plus intéressant que sur photocopies car cela permet de montrer visuellement les erreurs et de corriger la copie devant les élèves. (le tableau blanc permettant d’écrire directement sur la copie projetée).

  L’an dernier j’ai photocopié une copie de bac : un excellent commentaire du poème d’Eluard « Notre Vie » réalisé par un(e) candidat(e) de STL, et noté 17/20. Je l’ai tapé et distribué à des élèves de STT auxquels j’avais donné le sujet de bac. Il semble qu’ils en aient « pris de la graine ».

Quelques ouvrages de références concernant l’évaluation

  L’Évaluation, n° hors-série des Cahiers pédagogiques, mai 1991.
  ASTOLFI J.-P., L’Erreur, un outil pour enseigner, 1999, E.S.F.
  DELORME C. (dir.), L’Évaluation en question(s), 1987, E.S.F.
  JORRO A., L’Enseignant et l’Évaluation, des gestes évaluatifs en question, coll. Pratiques pédagogiques.
  VESLIN O. et J., Corriger des copies (évaluer pour former), ed. Hachette Education, coll. Pédagogies pour demain, nouvelles approches (édition fort pratique et accessible).

Merci à Michèle Granier, Magali Guedj, Pauline, S. Anahory, Corinne Durand Degranges, Françoise Valette, Henri Bès, Audrey, Valentine Dussert, Pauline, Micheline Guilpain-Giraud, Christian Raseta...


Ce document constitue une synthèse d’échanges ayant eu lieu sur Profs-L (liste de discussion des professeurs de lettres de lycée) ou en privé, suite à une demande initiale postée sur cette même liste. Cette compilation a été réalisée par la personne dont le nom figure dans ce document. Fourni à titre d’information seulement et pour l’usage personnel du visiteur, ce texte est protégé par la législation en vigueur en matière de droits d’auteur. Toute rediffusion à des fins commerciales ou non est interdite sans autorisation.
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