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Article : [594] - Comment dynamiser une classe ?


vendredi 18 juillet 2008

Par Virginie Blanchard

Il s’agissait de recueillir des conseils pédagogiques pour dynamiser un cours, afin d’intéresser une classe assez faible et passive en français. Cette synthèse se présente comme une série organisée de témoignages de la part des colistiers.
Synthèse mise en ligne par Valentine Dussert.

Faire participer les élèves en leur faisant partager sa passion

  « Vaste programme ! Si quelqu’un avait la recette, chacun s’empresserait de la suivre. Pour vous répondre de façon gidienne, soyez-vous même. Faites partager votre passion pour la littérature, montrez à vos élèves, autant que possible, que la littérature et l’art ne sont pas à côté de la vie, mais bien en étroite corrélation avec le monde. Choisissez des textes qui peuvent (peut-être) leur parler davantage, les interpeller dans leurs préoccupations. Ce sont des adolescents, qui se posent beaucoup de questions, qu’ils l’avouent ou non. Cherchez la corde sensible. La passivité d’une classe est l’un des choses les plus redoutables pour un enseignant ; l’absence d’élèves moteurs est un cauchemar ; ça arrive assez rarement mais ça existe. Pas d’autre solution que d’interroger les élèves, individuellement, et de les obliger à répondre quelque chose. Vous pouvez en choisir un à chaque cours qui viendra exposer à la classe ce qu’il a trouvé pendant sa préparation. Surtout ne tombez pas dans le cours purement magistral. Quant à l’ennui, relativisez. Vous pouvez bien sûr vous remettre en cause, comme vous le faites, mais ne vous laissez pas culpabiliser. Vous trouverez toujours des élèves pour vous faire des reproches. Certains y prennent même plaisir et adorent provoquer. Incitez ces élèves-là à participer, à intervenir (judicieusement évidemment). Prévoyez des temps courts d’écriture (recherches, repérages, rédaction de paragraphes...) : chacun est contraint de s’investir dans ces moments-là. Et interrogez un, deux, trois élèves qui liront ensuite ce qu’ils ont écrit.
  « La critique est aisée mais l’art est difficile. Pourquoi ne pas inviter les élèves à participer davantage au cours ? Chaque jour un élève pourrait offrir le fruit de son travail...cela permettrait de changer de "tête", l’exposé pourrait être suivi d’une correction collective. J’ai l’impression que les élèves s’ennuient lorsqu’ils ne travaillent pas assez, lorsqu’ils ne s’impliquent pas, or quand ils le font, l’ennui disparaît. Que fais- je en classe ? Je veille à être dynamique, convaincue moi- même par ce que je fais, amoureuse pratiquement des textes que je propose. Je donne un axe à préparer à la maison, nous le corrigeons ensemble puis nous étudions l’axe suivant. Si possible, j’invite les élèves à mettre le texte en relation avec le monde actuel. Par séquence, je propose une lecture d’image fixe ou mobile. »
  « Tout dépend du texte choisi, de la leçon que vous présentez. Choisir un texte motivant, des sujets qui les touchent est la première étape d’un bon cours. Bien préparer le cours est primordial. Demander aux élèves de débattre sur un sujet et n’intervenir que pour diriger les débats, mais en orientant toujours les débats vers votre objectif. »

Rendre les élèves actifs en variant les approches

  « Vous pouvez essayer de varier les exercices, pour que le cours ne soit pas dévoré par les lectures analytiques : lectures cursives de documents complémentaires ou d’Å“uvres, comptes-rendus de fiches de lecture, exposés, analyses de tableaux / de documents iconographiques / d’extraits en vidéo, mise en voix des textes, questions transversales sur un corpus de textes, séances de méthodologie axées sur la préparation une fois d’un écrit d’invention, une autre fois du commentaire littéraire, à la fin d’une séquence de la dissertation, exercices d’entraînement à l’oral. Refusez de dicter, demandez parfois aux élèves de préparer une lecture analytique, de mettre leurs notes de cours au net, de présenter à partir de là une lecture analytique à leurs camarades. Dites aux élèves qu’au 2e trimestre vous noterez la participation et refusez d’expliquer seule un texte. »
  « Un point fondamental est de varier les approches et les exercices et aussi de rendre les élèves actifs. A partir de là, il faut rechercher ce qui correspond à ce principe double. C’est plus facile en seconde où les objectifs du bac n’imposent pas de maîtriser rapidement un certain nombre de techniques écrites et d’étudier un nombre conséquent de textes. La classe de seconde, souvent difficile à gérer, est aussi un véritable laboratoire pédagogique. Il faut éviter autant que possible la simple confrontation frontale entre le professeur et la classe. Participer et prendre des notes ne suffit pas à s’intéresser. Il faut imaginer plusieurs temps différents : observation et recherche, restitution au groupe classe, prise de notes, exercice écrit ponctuel ou de synthèse. Le travail de l’écrit aussi doit se décliner en différents exercices : recherche d’idées ou d’arguments, rédaction d’un paragraphe de commentaire ou de dissertation, imitation de texte (par exemple : à la manière de Sarraute, se remémorer un souvenir, ou rédiger un dialogue sur tel ou tel thème etc.).
Voici quelques pistes pour les premières : pour une séquence (qu’il aura fallu construire de façon cohérente, avec des liens avec le monde réel pour donner du sens à celle-ci), les élèves sont en charge d’un texte par équipe. Il faut avoir déterminé la méthode de travail pour la séquence, afin de répondre de façon efficace à la problématique, après quoi les équipes travaillent lors d’une séance où le professeur fait le tour des équipes pour les aider. Cela implique que le dossier de la séquence est donné en début de séquence aux élèves, avec les fiches techniques. J’ai élaboré plusieurs fiches de ce genre : comment étudier un texte poétique, dramatique, argumentatif etc. Après cela, chaque équipe occupe une séance de travail avec le professeur pour restituer sa réflexion à la classe. Bien sûr, les autres élèves sont incités à intervenir aussi. En fin de séquence chaque équipe peut aussi se charger d’une synthèse transversale. Pour une autre séquence, on détermine aussi le travail à faire (sur l’objet d’étude avant tout), mais cette fois, chaque séance consiste à distribuer une recherche séparée sur le texte à différentes équipes (ou élèves). Le travail d’observation dure 20 à 25 minutes, puis chaque groupe restitue ce qu’il a trouvé, en discussion avec la classe. Parmi les travaux de la séquence, on peut introduire d’autres pratiques que l’étude des textes : jeu théâtral, récitation ou diction, étude de séquence de film ou de vidéo sur un spectacle théâtral etc. Ce travail peut être attribué à une équipe ou partagé en classe de la même façon. »

Surprendre les élèves en les amenant à trouver eux-mêmes les réponses

  « Pour intéresser mes classes, j’essaie de leur poser une énigme. Souvent, en partant de leurs représentations. Par exemple, classe de seconde, on aborde le naturalisme chez Zola (les figures du monstre). Je leur demande de me décrire une locomotive, une mine de charbon. On lit deux ou trois de leurs productions. Ils découvrent la Lison, le Voreux. Ils ne comprennent rien au texte. Je leur fais surligner les métaphores et les comparaisons. "Et là, vous comprenez quoi ?" Ah ! Le sens apparaît. "La Lison ce n’est pas une fille ! C’est une loco !" et "La mine du Voreux, c’est un monstre !" Je leur demande alors ce qui leur fait dire cela : "Comment Zola s’y prend-il pour transformer un objet en monstre ? - Il y a des métaphores, des comparaisons, ça s’anime." En parallèle on aborde l’impressionnisme, dont Zola fut friand, et qui alimente le mouvement littéraire et culturel de cette fin de siècle. Je leur demande de s’imaginer qu’ils sont des bourgeois du XIXe assis dans leur salon : quels tableaux ont-ils au mur ? J’en interroge deux ou trois : ils ont des marines, des paysages, des nus, des portraits d’ancêtres. Je leur balance Degas (l’Absinthe) et Manet (La gare Saint Lazare) sur transparents. "Si vous êtes à la mode, vous avez ça au mur". Ah ? Voilà quelques notions qui apparaissent toutes seules : la description du quotidien, et du pas beau ; la technologie en marche. On met en route la peinture avec des taches : ça nous servira plus loin, quand on analysera un texte de la foule du Bonheur des Dames où Zola met l’accent sur des points de couleur. Allez. On prend pour modèle deux phrases de Zola : "C’était comme..." et une autre du même acabit, avec une comparaison, deux adjectifs apposés (oxymoriques si possibles), et voilà qu’on décrit un objet avec une personnification, voire un aspect monstrueux. Ils adorent faire ça avec des motos, des scooters, des guitares et d’autres trucs improbables, et ça marche. "Madame, j’ai écrit comme Zola !". On lit deux ou trois productions, ils sont ravis et ils ont compris comment on peut mettre en scène du trivial de manière esthétique. Le truc, c’est de partir de ce qu’ils pensent, et de les surprendre. De leur faire écrire des choses, avec des procédés simples, qui vont les étonner eux-mêmes. Du coup, tu es comme la magicienne au milieu de ta classe. Tu sais très bien où tu veux en venir, tu les laisses arriver là où tu veux en leur faisant croire que c’est eux qui ont fait le boulot... ça ne marche pas à tous les coups, naturellement. Mais ça vaut le coup d’essayer ! »

Avoir une conversation avec les élèves

  « J’ai vécu la même chose que vous (français + tous les niveaux en latin). C’est assez usant et accablant en termes de travail. Il faut arriver à faire comprendre à vos élèves que vous vous ennuyez autant qu’eux à cause de leur passivité. Le cours, c’est un échange : si l’un des participants ne joue pas le jeu, la partie manque forcément d’intérêt ! Vous pouvez aussi leur rappeler le fait que ce sont eux qui passent le bac. Vous n’avez plus rien à prouver, eux si ! Secouez-les un peu (tant pis si vous y passez un peu de temps). S’ils font un effort, encouragez-les beaucoup et souvent. Faites remarquer qu’untel a fait des efforts. Mettez une note d’oral. Quand ils auront saisi les enjeux, vous pourrez peut-être leur glisser que l’ennui fait aussi un peu partie du processus d’apprentissage. Qui ne s’est pas ennuyé en cours ? En résumé : il faut, me semble-t-il, avoir une conversation franche avec eux en insistant bien sur le fait que ce sont eux et pas vous qui doivent changer leur comportement. Bon courage et surtout ne doutez pas de votre travail et ne changez pas votre méthode à leur demande car ils auront l’impression qu’ils ont pouvoir sur vous et cela aggraverait la situation. »


Ce document constitue une synthèse d’échanges ayant eu lieu sur Profs-L (liste de discussion des professeurs de lettres de lycée) ou en privé, suite à une demande initiale postée sur cette même liste. Cette compilation a été réalisée par la personne dont le nom figure dans ce document. Fourni à titre d’information seulement et pour l’usage personnel du visiteur, ce texte est protégé par la législation en vigueur en matière de droits d’auteur. Toute rediffusion à des fins commerciales ou non est interdite sans autorisation.
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