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Article : [289] - Combien de points compter par faute d’orthographe ?


mardi 26 avril 2005

Par Brigitte Mir

Il s’agissait de s’interroger sur l’évaluation de l’orthographe dans les copies : combien de points compter par faute d’orthographe ? Les réponses ont donné lieu à un débat auquel ont participé notamment Aurélia Lemonnier, Gwendoline Léourier, Basile Sotirakis, Françoise Chatelain, Ghislaine Bruyas, Jean-Yves, Patricia, Ange, Elisabeth M., Jean-Eudes Gadenne... Leurs expériences et les différentes informations qu’ils transmettent sont ici résumées et données anonymement.
Synthèse mise en ligne par Valentine Dussert.

Constats et déceptions

  Pour le moment, j’annote simplement les copies sans que le résultat soit très probant. J’affirme également aux élèves qu’une copie truffée d’erreurs d’orthographe et/ou difficile à déchiffrer leur fait de toutes façons perdre des points car le correcteur bute sur les mots ce qui fait que l’ensemble lui semble moins clair.

  Au sujet de la confusion des sons : j’ai fait travailler en AI un groupe de 4 élèves à l’aide d’exercices. Contrairement à l’accord du participe passé ou à la conjugaison du passé simple où les exercices avaient été faits très vite, ils ont eu des difficultés et il y avait encore des fautes ce qui prouve bien que c’est un vrai problème et non une seule question d’inattention.

  Plusieurs collègues ont déjà répondu sur la question du nombre de points, mais j’aimerais bien que nous ayons un débat sur nos pratiques dans le domaine de l’orthographe et de l’expression au lycée. En ce qui me concerne, jusqu’à cette rentrée, je mettais un petit « o » dans la marge à chaque faute d’orthographe, un « synt » pour les erreurs de syntaxe, « conj » pour la conjugaison, « pt » pour la ponctuation, « exp » pour les fautes d’expression, sans autre précision. C’était aux élèves de trouver la faute et de la corriger. Vu le nombre de fois où la faute subsistait, tandis qu’une autre apparaissait dans la ligne, j’ai modifié mon système : maintenant, en plus de l’abréviation dans la marge, je souligne le mot, voire la partie du mot, où se trouve la faute, pour qu’elle soit repérable plus facilement. Même comme ça, le résultat est parfois catastrophique (un élève corrige « la lueur *devena » en « la lueur *devenat » !). Finalement ce système ne me satisfait pas du tout ; j’invite parfois les élèves les plus faibles à quelques séances d’aide individualisée sur l’expression, mais ça ne donne pas de résultats spectaculaires. Quelqu’un a-t-il une méthode qu’il trouve efficace pour la correction de l’expression dans les productions écrites des élèves ?

  Réponse au message précédent : Que lui reprochez-vous, à votre système ? En quoi est-il responsable du fait que l’élève modifie tel ou tel mot sans se préoccuper de vérifier la pertinence de sa correction dans tel ou tel outil disponible au CDI ? Vous ne vérifiez pas, dites-vous, la correction de toutes les copies. Moi non plus : pour l’avoir fait naguère systématiquement durant un trimestre, qui plus est en notant les corrections, je peux vous dire que cela ne changeait rien. Comme j’ai pu constater de visu que mes secondes pouvaient obtenir 14 ou 15 en histoire pour un devoir truffé de fautes et dont un tiers des phrases étaient grammaticalement incorrectes, comme on peut (théoriquement) obtenir 17/20 à l’EAF avec 40 fautes ou plus (puisqu’on ne peut dépasser 3 points pour sanctionner une orthographe déficiente), j’en viens à me dire que nos élèves ont fait une analyse intelligente en terme de rentabilité du travail : pourquoi se casser la tête alors qu’il y a si peu à perdre ? Cela dit, comme je n’arrive pas à capituler dans ce domaine, j’ai annoncé qu’au delà de 10 erreurs dans un devoir, il faudrait venir en « Ã©tude » (au fond de la classe, pendant que je m’occuperai du groupe d’A.I.) jusqu’à ce que tout soit corrigé de façon exacte. Je fournirai dictionnaire, manuel de conjugaison et fichier d’orthographe, et je me limiterai à informer s’il reste ou non des erreurs.

  S’il y a des élèves qui citent des règles sans savoir écrire correctement, je suis dans le cas inverse, n’ayant presque jamais appris une règle...

Des méthodes qui peuvent marcher

  Certains enseignants utilisent une fiche récapitulative des divers types d’erreurs (confusion entre deux sons, homophones grammaticaux...) que les élèves doivent remplir à partir des erreurs qui minent leurs devoirs (en rappelant la règle lorsqu’il y en a une). On peut voir un exemple de fiche sur le site In F(x) Venenum ; les résultats obtenus apparaissent également au même endroit, dans la discussion de ce type de travail.

  Il peut aussi être conseillé de travailler individuellement un seul type d’erreur à chaque copie (l’élève doit relever toutes les occurrences de l’erreur, corriger puis rappeler la règle), que l’élève n’a plus le droit de réitérer par la suite. Il semblerait que cela porte ses fruits.

  Le CAF (équivalent du CNDP) a conçu un didacticiel - Verbacaf - destiné a être mis en réseau et à permettre des exercices individualisés : entraînement à la conjugaison et à l’emploi des temps. Les professeurs peuvent ajouter des exercices à ceux qui sont proposés dans le CD-Rom. On peut télécharger une version d’essai sur le Portail e-français du serveur de l’enseignement belge (choisir « didacticiels » puis « verbacaf »).

  Sans aucune provocation, je veux vous signaler que j’interdis, en 2de et en 1ère, l’emploi du passé simple... sauf cas exceptionnels, quand un élève a pu me prouver qu’il sait manier ce temps (1 sur 30 !). Je ne cesse de leur répéter que l’on peut (presque) tout écrire au présent, même des souvenirs ou des projections dans l’avenir.... avec à la clef, quelques passés composés qu’ils maîtrisent bien mieux, parfois un plus-que-parfait qui s’impose.... MAIS PAS de passé simple ! Ils y arrivent très bien. Les textes sont bien plus vivants, ont beaucoup plus de « relief ». Et ils s’étonnent « mais au collège on nous imposait au contraire... » Dans un humour par l’absurde, je leur réponds en souriant que les collégiens, eux, connaissent le passé simple...

  Je souligne la faute, sans rien préciser dans la marge car cela prend trop de temps pour un piètre résultat, je demande aux élèves de corriger leurs fautes et quand il y en a beaucoup je leur demande d’en choisir 5, de chercher la règle et de la recopier dans leur répertoire. Puis j’instaure un système de fautes interdites. Par exemple, celui qui confond « a » et « Ã  » doit recopier la règle, dans son répertoire, puis dans la copie n°2 c’est une faute interdite ; s’il la fait il devra recopier la règle 20 fois et ainsi de suite... ; cela semble fonctionner à peu près car ils n’ont pas envie de recopier alors ils relisent...mais il en reste bien sûr. Peut être pourriez vous proposez aux élèves volontaires de venir pendant l’heure d’aide individualisée, au fond de la classe, avec grammaire, dictionnaire...(pendant que vous vous occupez d’autres élèves), ils ont une heure pour corriger leurs fautes, si c’est bien vous rajoutez les points, là vous seriez sûre qu’ils ont travaillé seuls.

  Je mets des annotations dans la marge et je souligne le mot mal orthographié... Avec une classe cette année, j’ai mis en place la « correction systématique » des devoirs : un élève qui a eu 0 point en note d’orthographe (car je fais un barème avec X points pour l’orthographe, X pour la présentation, X pour... tout est très détaillé) a le droit de me rendre sa copie corrigée par lui-même (enfin, je le crois...) ; à ce moment-là, je rajoute les points de l’orthographe et je change la note sur mon carnet (donc, depuis le début de l’année, j’écris toutes les notes au crayon à papier pour pouvoir gommer...). Je dois dire que cette méthode a un franc succès : les élèves vérifient leurs fautes d’orthographe, en parlent entre eux et m’en parlent. Ils font des tentatives pour se corriger et, parfois, je récupère des copies sans fautes.

  Je teste cette année en classe de seconde une méthode qui semble vouloir faire ses preuves : 1. Je dicte un texte relativement long, chaque élève l’orthographie. 2. Je regroupe les élèves par groupes de 4 ou 5 (il faut penser à varier les groupes) et je demande que chaque groupe me propose une seule version de ce texte ; ce qui donne lieu à des discussions sincèrement agitées et souvent argumentées... 3. Je ramasse et note la copie présentée par le groupe et chaque élève obtient donc une note (peu coefficientée). 4. Correction très rapide au tableau des points majeurs qui ont posé problème... Conclusion : pour l’instant je GAGNE du temps ! La première fois, j’arrive encore à mettre des zéros .. la deuxième fois quand ils voient que d’autres récupèrent de sacrées bonnes notes, certains se prennent au jeu ! C’est une idée comme une autre. Pour le choix du texte, je choisis souvent une copie de rédaction d’élève... soit de la classe, soit d’une autre classe et anonymée...

  Lassée de voir des élèves perdre systématiquement 2 points en orthographe, voire plus, à chaque devoir et en voyant leur « méthode » (très amusante parfois) quand on leur demande de relire (pour eux il s’agit de faire ça en 3 minutes en fin de devoir s’ils ont le temps, l’effaceur à la main pour se donner bonne conscience, la tête déjà ailleurs...) j’ai élaboré une fiche de relecture en 10 étapes qui comprend 4 grands domaines de relecture détaillés : l’expression, l’orthographe, l’organisation de la copie et la présentation. Ils ont le droit de sortir cette fiche pour n’importe quel devoir, que j’arrête un quart d’heure à 10 minutes avant la fin... La relecture est donc devenue obligatoire dans toutes mes classes. Quand j’ai soumis cette idée aux élèves j’ai eu une levée de boucliers : « mais madame, et si on ne peut pas finir le devoir ? » ; j’ai donc expliqué avec de savants calculs que la relecture n’est pas en option et que les devoirs sont conçus en tenant compte du temps accordé à la relecture, même au bac ! De plus, je leur ai démontré qu’ils perdaient en orthographe et expression les points qu’ils gagnaient à finir et donc, que ça ne servait à rien de faire passer la réponse à une dernière question avant de relire ! Dès le 1er devoir j’ai vu, non pas des améliorations sidérantes bien sûr, mais les élèves qui jouent le jeu, qui respectent les étapes de la fiche, ne perdent plus 4 points en orthographe-expression mais 2 ou 1 ; d’autres en ont même gagné puisque, bien sûr, j’applique aussi un barème bonus dans ces domaines. Et là où je pense avoir « gagné » c’est que maintenant ce sont les élèves eux-mêmes qui réclament de sortir la fiche si je l’ai oubliée... Je vise par là l’acquisition de réflexes en matière de relecture. Voici la fiche que j’utilise, largement inspirée de celle du site de l’Académie de Lille :

ME RELIRE

Je procède par relectures successives, à chaque fois j’observe un élément différent (suivant mes difficultés propres). En me relisant, je vérifie que :
I. La syntaxe
1) Les phrases ne sont pas trop longues et sont bien construites. Attention en particulier aux propositions subordonnées. La ponctuation est juste. Ainsi tout est clair et compréhensible : le lecteur, le correcteur ne veut rien avoir à deviner.
2) Les pronoms personnels sont sans ambiguïté : j’observe spécialement les introductions (qu’on sache de qui je parle) et les longues phrases (risque de mélange de pronoms personnels).
3) Je n’ai pas mélangé les temps verbaux : j’en choisis un et je m’y tiens.
II. Vocabulaire et orthographe
4) J’ai soigné mon vocabulaire. Le niveau de langue est courant, soutenu si possible mais jamais familier.
5) L’orthographe est juste.
Si j’ai le moindre doute, et quand c’est possible, je vérifie systématiquement dans le dictionnaire. Sinon, j’écris deux ou trois versions possibles du mot qui me pose problème, et je regarde celle qui me semble la plus adaptée (utilisation de la mémoire visuelle).
L’immense majorité des erreurs affecte la terminaison des mots, donc je suis particulièrement attentif à la fin des mots. Je cherche alors les erreurs d’accord : je vérifie l’accord des adjectifs avec les noms, en genre et en nombre, et l’accord des verbes avec leur sujet, en personne et en nombre. A chaque verbe je me demande : « Qui fait cela ? » (je n’hésite pas à utiliser un crayon à papier sur la copie pour pouvoir effacer avant de la rendre).
Attention aux homonymes (ont / on ; ce / se ; est / et...).
Je vérifie ensuite tout ce qui touche à mon point faible personnel (par rapport à ce que m’a dit le professeur lors des corrections précédentes. Cf tableau : « ce que je réussis » / « ce qui me reste à améliorer »).
III. L’organisation du devoir
6) Les paragraphes sont bien placés : un paragraphe par nouvelle idée ou argument / exemple / (citation).
7) La structure de mon travail se voit clairement :
par les paragraphes (alinéas).
par les sauts de ligne entre introduction / développement / conclusion.
8) Les liens logiques sont placés correctement, pour améliorer la mise en évidence de la structure de mon travail.
9) Les transitions sont présentes où elles doivent être (entre les parties), et réussies. Je conclus rapidement la partie précédente, j’introduis la suivante.
IV La présentation de la copie
10) La copie est lisible (écriture) et donne une impression de soin. On peut soulager le correcteur en laissant une marge de 2/3 cts à gauche ou à droite.

  Il m’arrive, dans certains exercices où la priorité n’est pas donnée à l’expression mais aux connaissances (interrogations écrites), d’appliquer le barème suivant : moins de 9 fautes : rien / de 10 à 19 fautes 1 point en moins / de 20 à 29 fautes 2 points en moins / 30 fautes et plus 3 points en moins. Je trouve que c’est particulièrement efficace. Ceux à qui on retirait des points en début d’année finissent par comprendre qu’ils doivent se relire et corrigent. Les 5 minutes passées à relire et corriger en fin d’heure deviennent « rentables » dans ce cas (sachant que le plus souvent, la majorité des fautes sont des fautes d’étourderie). J’accepte qu’on ne sache pas orthographier les mots difficiles s’ils sont rares, je n’accepte pas qu’on m’écrive : « l’auteur *utilisent des *comparaison ». Sinon je crois que le barème généralement constaté (mais alors on parle du collège et des dictées, n’est-ce pas ?) est, sauf erreur, de : -2 par faute de grammaire, -1 par faute d’orthographe, -0,5 pour les fautes moins importantes. Pour les devoirs faits au lycée, j’utilise pour ma part un barème différent (expression et présentation sur X points, que je mets ou non en fonction du nombre de fautes, de la clarté de l’expression, etc.) Mais c’est à ajuster en fonction de chaque exercice, très probablement.


Ce document correspond à la synthèse de contributions de collègues professeurs de lettres échangées sur la liste de discussion Profs-L ou en privé, suite à une demande initiale postée sur cette même liste. Cette compilation a été réalisée par la personne dont le nom figure dans ce document. Ce texte est protégé par la législation en vigueur. Fourni à titre d’information seulement et pour l’usage personnel du visiteur, il est protégé par les droits d’auteur en vigueur. Toute rediffusion à des fins commerciales ou non est interdite sans autorisation.
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