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Article : [408] - Plan de classe (U ou îlots)


lundi 20 octobre 2014

Par Florie Guernier

Il s’agissait de réfléchir au plan de classe. Nous avons l’habitude des rangées "classiques", où les élèves sont positionnés deux par deux. Comment créer une nouvelle dynamique ? Par le double U afin de les avoir plus près du professeur ? par des îlots ? Quels effets sur les élèves, leur concentration, la relation élève-professeur, les bavardages ?
Synthèse mise en ligne par Murielle Taïeb.

La disposition en U

  « J’ai travaillé avec un configuration en U, mais en cours de latin avec un effectif réduit. C’était formidable pour l’interaction, la prise de parole à l’oral. Tout le groupe participait et personne ne pouvait se cacher. Ils se sentaient en confiance. Cependant je doute qu’avec une classe entière cela soit possible. »

  « Je suis revenue au système en U, presque par hasard (ma salle avait été utilisée pour une réunion et une autre était prévue le lendemain, j’ai donc dit aux agents de ne pas s’embêter à la modifier plusieurs fois). J’avais déjà pratiqué ce système quand j’étais TZR, je le trouvais bien mais sans savoir pourquoi, je débutais, et aujourd’hui je peux expliquer pourquoi je m’y retrouve :

  • j’ai une vue d’ensemble sur tous mes élèves, et je peux rapidement cibler celui qui ne comprend pas ou celui qui n’est pas au travail.
  • je peux circuler aisément d’un élève à l’autre pour apporter de l’aide ponctuelle.
  • pour les travaux en groupes, l’installation est facilitée : 2 élèves à côté, 1 ou 2 prennent leurs chaises et se mettent en face.
  • pour l’oral et favoriser le dialogue, ils se voient et cela fonctionne bien.
  • pendant les devoirs je me place au milieu du U et je peux interrompre de suite la première tentative de communication entre eux.
  • avec cette organisation, je n’ai pas le sentiment d’être en frontal, mais au contraire d’être avec les élèves, pour mieux les motiver et les pousser.
  • un inconvénient de ce système est la place, avec une salle trop petite on ne peut pas le mettre en place. » (Claire Yvanez)

Les îlots

  « Pour ma part, je travaille en îlots depuis l’année dernière en m’inspirant largement du travail de Marie Rivoire « le travail en îlots bonifiés ». Je n’ai pas moins de bruit dans la classe, mais un bruit différent et plus productif parce que les élèves travaillent… Mais il reste encore des bavardages. Je vais continuer comme ça cette année : il y a des points négatifs, certes, mais j’y trouve beaucoup de points positifs : par exemple les progrès énormes d’élèves particulièrement « coincés » à l’oral, ou encore une certaine prise de confiance en soi très bénéfique. » (Sandrine Marechet)

  « En îlots mes élèves de troisième et de quatrième étaient ravis car certains me tournaient le dos et c’était l’occasion de bavardages, le rappel à l’ordre a dû être très ferme à chaque début de cours, et je sanctionnais sévèrement le non respect de l’ambiance de travail. Cependant, j’ai apprécié cet agencement car je préparais des TD  : je distribuais à chaque élève des fiches d’exercices avec corrigé à travailler en autonomie. Il a fallu un mois pour qu’ils se familiarisent avec la méthode. Ils ont tous joué le jeu, ce qui permettait aux élèves en avance de ne jamais s’ennuyer et de s’atteler à des notions plus complexes, je pouvais ainsi aider convenablement les élèves en difficulté. »

  « Je tiens à vous apporter mon expérience (pas très bonne) à propos des îlots bonifiés, que beaucoup préconisent. Mon but n’est pas de nier en bloc ce système, mais de mettre en garde, il n’est pas miraculeux non plus. Pour ma part, je l’ai essayé, pour revenir à un système classique qui ne me satisfaisait pas totalement non plus, et enfin me tourner vers le U qui me correspond très bien, et je pense que l’essentiel est là : il faut trouver le système qui nous convient personnellement.
Cela a été mis en place dans mon établissement, de manière presque systématique en anglais, français et histoire, ainsi qu’en mathématiques. J’ai donc expérimenté le système, et j’y ai vu un certain nombre d’inconvénients, alors que pour mes collègues il s’agit d’une solution miracle. J’ai essayé trois semaines et j’ai vite arrêté, voilà pourquoi :

  • le gros plus est l’oral (il est développé et avec le système on peut mettre en place une véritable pédagogie de l’oral) : or ce système a été conçu par un professeur d’anglais, et nous enseignons le français. Nous avons des spécificités qui se prêtent peu aux îlots bonifiés (pour la grammaire, il n’y a pas de négociation en fait, les plus faibles laissent travailler les plus forts en sachant qu’ils auront une réponse juste ; pour les écrits (dans les situations où ils rendent une feuille par groupe), la mise en commun d’idées avec un rapporteur me dérange, car je pense qu’il est nécessaire que chaque élève soit confronté aux problématiques de l’écriture, et remotivé par le professeur lui-même en cas de difficulté. On peut aussi les faire tous écrire, puis proposer une mise en commun en complétant le travail le plus abouti, mais là je trouve qu’on perd un peu de temps.
  • Cela souligne une autre difficulté : les élèves travaillent toujours en groupes. Or, il est indispensable de faire travailler l’élève de manière individuelle, tout d’abord car c’est indispensable d’apprendre l’autonomie, mais aussi du point de vue du professeur pour savoir précisément où il en est, et ne pas découvrir ses difficultés au moment de l’évaluation finale. Si les élèves peuvent se révéler d’une aide précieuse entre eux, cela ne suffit pas toujours.
  • J’ai eu l’impression que par le système points verts / points rouges, les élèves se détachent du contenu de l’enseignement pour se focaliser sur l’obtention des points. Cela allait à l’encontre de ma pédagogie qui consiste à leur dire que l’important ce n’est pas la note, mais les progrès. (d’ailleurs les notes d’îlots étant faiblement coefficientées, cela ne change pas la moyenne). Et je suis persuadée qu’on peut vraiment valoriser les élèves autrement que par la note, que ce soit par des sourires, de la bienveillance, des encouragements, en sécurisant l’élève par un sentiment de réussite...
  • Enfin le bruit suscité par le système me dérange, et je ne veux pas avoir la naïveté de croire qu’ils ne parlent que travail. Lorsqu’ils sont tout le temps ensemble, ils parlent aussi d’autre chose. D’ailleurs, hormis les moments où je me positionnais dans un coin de ma classe, je n’avais jamais de vue d’ensemble sur ce qui se passait, et cela me gênait ; en circulant dans les rangs, je tournais systématiquement le dos à un certain nombre d’élèves (je pense d’ailleurs à une classe de 4e qui a passé l’année en îlots, sauf en français : il y a eu des problèmes de vol de stylo tout au long de l’année).
  • Le système peut engendrer la triche au moment des évaluations, pour cela j’avais trouvé une solution : il faut mettre de grands calendriers entre les tables face à face pour isoler les élèves pendant les devoirs. » (Claire Yvanez)

  « J’adhère complètement à cette pédagogie de groupe mais je m’interroge sur sa mise en place. Marie Rivoire insiste sur le fait que les élèves doivent choisir leur place et fait part d’expériences échouées à cause d’un plan de classe imposé par le professeur. Dans son ouvrage, elle précise que les élèves les plus remuants se mettent inévitablement ensemble et qu’il est plus facile à gérer un îlot d’élèves bavards plutôt que de canaliser plusieurs élèves "perturbateurs" éparpillés dans la classe. Cependant, je suis mutée à la rentrée dans un collège très difficile et je sais que j’aurai deux classes de 4ème particulièrement pénibles. Je pense donc que je n’aurai pas qu’un seul îlot difficile à canaliser mais au moins 2, voire 3… » (Caroline Maginelle)

  « Il y a quelques années, j’avais l’idéal : une (gigantesque) salle où les tables sont disposées en chevrons de 4, eux-mêmes placés en amphithéâtre ; hélas, vous avez relevé l’imparfait... »

  « L’an passé, j’ai pratiqué les îlots bonifiés (deux tables face à face, et quatre personnes autour) et l’expérience s’est avérée positive : participation, travail de groupe, moins de copies à corriger (ce qui en passant n’est pas négligeable). Plusieurs conditions étaient réunies :

  • je n’allais dans cette salle qu’une heure par semaine, j’avais aussi deux heures en salle classique avec accès internet et vidéoprojecteur, une heure en salle classique sans rien que je me dépêchais de transformer en une heure en salle TICE ou TBI ou CDI. Je ne pourrais pas faire cours qu’avec de l’îlot, à cause du bruit plus élevé, de la dépense d’énergie, de l’impossibilité de pratiquer des évaluations. L’alternance est donc indispensable.
  • En début d’année, je commence par le test ROC (http://www.cognisciences.com/article.php3?id_article=42) pour identifier les dyslexiques et faibles lecteurs, j’en mets un par groupe couplé avec un bon élève, puis j’équilibre autant que possible (garçons-filles, bavards ou non, participatifs ou non, pénibles ou pas). Cela demande du travail, de la psychologie et un peu de chance au démarrage.
  • Ensuite, à chaque changement de chapitre, je change la composition de chaque groupe, la position de chaque groupe dans la salle. Ainsi, pas de contestation, mais ce ne sont effectivement pas les élèves qui décident, sauf pour le dernier chapitre de l’année ou pour un projet particulier. Si dans le groupe de 4 se trouvent deux tempéraments explosifs, ils peuvent ne pas s’assoir l’un à côté de l’autre mais c’est tout.
    L’avantage, c’est que tout le monde travaille avec tout le monde ; j’ai eu deux stagiaires l’an passé et elles ont été étonnées de leur aisance à se mettre au travail en groupe, et de leur production.
    Sachant que vous arrivez, à mon avis, il vaut mieux être dirigiste, l’année est suffisamment longue pour gagner ensuite en souplesse. Mais cela dépend tellement du rapport que vous avez avec les élèves ! J’ai toujours dans mes classes des élèves à particularités (handicaps, troubles du comportement, PAI divers) mais du coup, je n’ai jamais eu de classe très dure. » (Marie-Laure Tres-Guillaume)

  « J’ai lu votre mail avec beaucoup d’intérêt car j’ai moi-même failli abandonner. Je pense effectivement que ce système, tel que Marie Rivoire l’a conçu, fonctionne mieux en langue qu’en français. Voilà pourquoi je l’ai adapté. Et je pense qu’il n’est pas transposable à l’identique dans toutes les classes, il faut que chaque professeur puisse se sentir libre de modifier ce qui le gêne et d’ajouter ce dont il a besoin.

  • Tout d’abord, mes élèves travaillent TOUJOURS de façon individuelle puis, parfois, ils poursuivent par un travail collectif (mise en commun des réponses individuelles par exemple). Je suis d’accord que le fait de faire phase individuelle puis phase collective donne l’impression de perdre du temps mais j’ai constaté que plus on avançait dans l’année, plus cela me faisait gagner du temps car les élèves acquéraient de l’autonomie. De plus, cela permet à ceux qui auraient eu des difficultés d’y remédier avant la correction collective, ce qui est bien plus efficace. Autre détail : je mets des bonus comme bon me semble sans suivre à la lettre le système de base c’est-à-dire que si pour vous certaines choses sont essentielles, par exemple la réflexion individuelle, rien ne vous empêche de proposer un bonus. Quoiqu’il en soit, dans l’expression "îlots bonifiés" le mot le plus important est "bonifiés". Autrement dit, ce n’est pas du tout, selon moi, une méthode de travail de groupe.
  • Je suis étonnée de voir qu’avec ce système vous avez eu davantage de difficultés à appréhender le niveau de chaque élève car, personnellement, cela m’a beaucoup aidée. Je repère bien plus facilement un élève en difficulté parmi 4 ou 5 que dans une classe entière. De même, comme les élèves ont tendance à se mettre par affinités, les perturbateurs sont souvent ensemble (en tous cas au début, jusqu’à ce qu’ils décident de se prendre sérieusement en mains) ce qui est bien plus facile à gérer que 4 perturbateurs répartis aux 4 coins de la classe.
  • Pour ce qui est des points rouges / points verts, j’ai opté pour un point de la couleur de mon marqueur. Ce point est toujours positif et je l’appelle "bonus". Je ne m’embarrasse pas avec la feuille très détaillée et tous les calculs que propose Marie Rivoire. Effectivement, la note n’a pas d’importance puisqu’elle ne change pas vraiment la moyenne. Et j’ai constaté que les élèves étaient contents d’avoir un bonus même si la note finale n’était pas terrible, le simple fait d’avoir eu 9 bonus (donc 9/20) était positif pour eux parce ces 9 bonus ne signifiaient pas qu’ils avaient fait 11 erreurs mais qu’ils avaient fait neuf choses correctement. Et, même s’ils adorent gagner des bonus, je n’ai pas constaté que c’était au détriment des notions, au contraire.
  • De plus, avec ce système, j’avais une meilleure vue d’ensemble de la classe, comme quoi chaque expérience est différente. Avec une collègue partageant le même système, nous avons même constaté qu’il nous arrivait de nous ennuyer un peu :-) Nous avons donc pu faire des choses que nous n’avions pas le temps de faire avant, par exemple : corriger systématiquement les fautes d’orthographe sur les cahiers des élèves, les aider à reformuler leurs phrases, etc.
  • J’ai pris beaucoup de distance par rapport à la triche. Durant certaines évaluations, ils ont même le droit de "tricher", c’est à dire qu’après un temps de réflexion individuelle, ils mettent en commun leurs réponses et je ne ramasse qu’une seule feuille. Dans ce cas, l’évaluation donne droit à 1 ou 2 bonus. Je ne mets pas de note traditionnelle. Je fais cela lorsque je veux vérifier qu’une notion a été comprise. J’utilise ce mode d’évaluation pour certaines dictées. Il parait que cela s’appelle la dictée argumentée. Lors des évaluations purement individuelles, je modifie légèrement les exercices. Par exemple je demande le synonyme d’un mot pour certaines élèves et pour d’autres l’antonyme. Cela ne me demande pas vraiment plus de temps de préparation.
  • Dernier point, ce système n’est certainement pas miraculeux ! Et s’il fonctionne ce n’est pas sur du court terme. Vous ne verrez que peu (voire pas du tout) d’amélioration les premières semaines. Ce qu’il faut c’est essayer au moins un trimestre et je conseillerai même de tenter l’aventure durant toute l’année avant de décider de poursuivre ou non. Néanmoins, personne ne doit se sentir obligé d’appliquer une méthode qui ne lui convient pas :-) Et je suis bien contente de voir que le système en U fonctionne pour vous, peut-être que d’autres collègues seront dans le même cas.
    J’ai souri en lisant ce que vous aimiez dans le système en U car c’est tout ce que j’aime dans le système des îlots bonifiés. Finalement on arrive tous au même point, peu importe la méthode. » (Mélanie Delunsch)

Référence bibliographique

   RIVOIRE M., Travailler en îlots bonifiés
http://www.marierivoire.fr/index.php/p%C3%A9daggogie-%C3%AElots-bonifi%C3%A9s-travail-de-groupe-quelle-diff%C3%A9rence.html


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