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Article : [124] - Lecture à haute voix


vendredi 13 février 2004

Par Valentine Dussert

Comment mettre en place une séquence d’aide individualisée pour travailler sur la lecture à haute voix en Seconde ? Le but à atteindre pour les élèves n’est pas seulement d’effectuer une lecture vivante et de s’adapter au texte mais de ne plus hésiter, s’interrompre, reprendre, buter ou inverser des mots ou des lettres.

Réponses des colistiers

  Je prends pour ma part 5 séances de 2 heures en option théâtre pour faire une mise en voix d’un texte (avec 15 élèves). L’exercice est difficile.
Ce qui manque leur cruellement c’est l’adresse. Les élèves lisent à la fois pour personne et pour toute la classe. Ils ne prennent pas le temps de lire. Il faut donc travailler des extraits courts et les obliger à ralentir, à regarder l’auditoire (ce qui suppose qu’ils lisent un morceau phrase, le retiennent et l’adressent.
Une fois cette étape passée, ça va mieux (pour l’extrait étudié... pour entrer dans la langue, c’est encore autre chose...)
Voilà pour mon expérience. Cette idée d’atelier en module est salutaire mais allez jusqu’au bout et ne leur parlez pas de « ton » et autres bêtises qui nuisent au comédien ensuite. Une lecture « vivante », c’est le bon mot !
P.S. : choisir des textes qu’ils affectionnent serait une bonne idée. Pourquoi ne viendraient-ils pas avec un texte de leur choix ?

  Il y a une dizaine d’années j’ai eu une Seconde très faible avec laquelle j’ai tenté un travail du type de celui que vous souhaitez faire, mais ça a duré toute l’année, quasiment. Comme vos élèves ils ne savaient pas lire à voix haute, et butaient sur « tous les mots » (j’exagère bien sûr). J’ai décidé qu’on lirait tout à voix haute : textes, bien sûr, mais aussi énoncés des sujets, des exercices, textes de présentation du manuel de langue (on venait d’introduire l’étude raisonnée de la langue en Seconde). Dès qu’il y avait une hésitation, une erreur de lecture (je ne parle pas de « lecture vivante », je parle de virgule non marquée, de mot inversé, changé, oublié même, de points simplement techniques) on s’arrêtait et on essayait de comprendre ensemble (classe entière : il n’y avait pas encore les modules) les raisons de ces erreurs, (elles étaient multiples, j’essaierai de retrouver éventuellement le dossier que j’avais constitué à l’époque, mais...).
Ça a duré toute l’année : on n’a pas fait tout le programme, loin s’en faut, mais ils ont appris à lire et certains d’entre eux, en perdition en début d’année, réorientés en BEP, y sont devenus « têtes de classe », heureux de vivre leur scolarité positivement, et sont revenus au lycée en Première d’adaptation où ils ont continué très correctement leur scolarité (bac avec mention pour l’une particulièrement « mal » au début de la seconde, et BTS réussi).
Cela ne répond pas tout à fait à votre question, certes mais vous encourage à « attaquer » cette difficulté.

  Il y a plusieurs moyens et tous sont bons car les problèmes sont souvent individuels...
Ce qui a marché avec des élèves « standards » dans de l’enseignement secondaire « standard » : d’abord des exercices d’articulation comme ceux du conservatoire et des cours de déclamation (certains appellent cela aussi des virelangues) : ces exercices-là sont faits pour s’amuser à acquérir une certaine dextérité d’articulation ; après deux ou trois heures, je suis passée à l’exercice du crayon : un crayon en bois entre les dents, on doit prononcer le plus clairement possible une phrase relativement simple, je faisais aussi l’exercice et je le ratais parfois pour les encourager (...) ; je leur demandais d’effectuer cet exercice à la maison face à un miroir et ils ont très vite compris qu’ils le réussissaient s’ils exagéraient très fort les mouvements articulatoires.
Dans un troisième temps, il s’agissait de prononcer une phrase avec différentes intonations (ce qui marchait fort bien : l’imitation (non personnelle) d’un(e) professeur, d’un parent qui, de la patience à la fureur, dit à un jeune « prends tes affaires et sors au plus vite, s’il te plaît » (variante avec le vouvoiement). Le mérite de l’exercice, comprendre que l’intonation se maîtrise, qu’une phrase relativement simple, selon le ton utilisé fournit à l’interlocuteur de nombreuses informations.
Nous sommes ensuite revenus à la « théâtralisation » de quelques fables de La Fontaine (« Le loup et l’agneau », « Le corbeau et le renard »), à deux c’est plus facile (et même à trois quand il faut une « voix off » pour les indications). Après cet épisode ludique au cours duquel j’ai placé quelques exercices de respiration et de relaxation, les élèves avaient presque tous compris qu’ils possédaient des capacités à jouer de leur voix et je leur ai demandé d’apporter des textes sur des sujets qu’ils aimaient bien (trois au choix), il s’agissait d’en présenter un à la classe, donc, de le lire à haute voix pour faire partager aux autres le goût pour ce texte.
J’avais préparé des petits bulletins de vote individuels avec une croix à indiquer pour différents paramètres (bien ou pas du tout respectés) et après le dépouillement, on pouvait donner encore un ou deux conseils (rapidité, ponctuation) mais pour l’intonation, l’émotion, ... presque tous avaient compris.
Ensuite quand nous sommes revenus au cours « normal », j’ai privilégié l’écoute active du lecteur : on écoute l’autre le crayon à la main pour demander directement les explications de vocabulaire. Comme les élèves écoutent, le lecteur se sent aussi responsabilisé et travaille plus efficacement (moins de bruit de fond) mais ce n’est jamais parfait et il y a toujours de la résistance ou l’un ou l’autre élève qui n’y arrive pas. Les cas « désespérés », je ne les ai pas trop repris en classe mais j’ai donné un rendez-vous après les cours et suivant la gravité, avec les parents et parfois la délicate explication que l’intervention de l’orthophoniste aiderait le jeune à aborder plus sereinement la maîtrise efficace de la langue, matériau essentiel de ses futures études.
Les résultats n’étaient pas trop mauvais...

  J’ai déjà travaillé effectivement la lecture, avec des textes sans virgule pour leur faire travailler les pauses et surtout comprendre la nécessité pour la compréhension de la ponctuation.
Et puis je m’étais servi de Beckett avec le travail sur les silences et de la tirade des nez de Cyrano qui marche plutôt bien parce que cela les amuse, même si c’est assez difficile.
Il n’y a à mon avis pas de remèdes miracles...

  J’avais pris en charge en début d’année un groupe en AI justement repéré pour blocage, aussi bien en lecture qu’à l’oral.
Pourquoi ne pas proposer à vos élèves des exercices tirés des exercices destinés aux comédiens (de genre : « dis-moi petit pot de beurre », « panier piano » etc.) ?
C’est ludique et cela débloque l’articulation des sons.
Ensuite, je leur ai proposé des scènes de dialogue théâtral sans ponctuation avec pour consigne de faire passer un sentiment différent en fonction de la ponctuation choisie, ou bien des courts extraits (par exemple : « Rome unique objet de mon ressentiment... »), histoire de leur faire prendre conscience qu’un texte s’interprète.
Je m’étais inspiré des exercices d’un manuel de français STT de chez Foucher.

  Il existe une synthèse sur les virelangues

  J’ai repris et adapté à Antigone des pistes proposées par D. Bessonnat dans le dernier numéro de Pratiques, Les écritures théâtrales, pour travailler sur l’oralisation d’un texte.

  La lecture détachée du texte
Protocole
Je sélectionne un court énoncé du texte à lire (groupe de 5 à 10 mots) que je mémorise
Je lève les yeux vers mon interlocuteur (ou le groupe AI, regard circulaire)
Je dis mon énoncé (en regardant donc mon interlocuteur)
Je retourne sélectionner, dans la suite de mon texte, un nouvel énoncé
Etc.
Il faut être vigilant et vérifier que le lecteur ne dise pas son énoncé en levant les yeux (« dans le mouvement »), mais une fois qu’il a levé les yeux (ce qui peut imposer un « blanc »), le résultat est assez étonnant : le protocole donne une vraie force à la lecture, le lecteur crée la sensation de vouloir donner son texte au public.
Je leur ai demandé d’abord de choisir 3 lignes qui leur plaisaient dans la lecture cursive du polar qu’ils sont en train de conduire.
On a travaillé ensuite sur un extrait plus long (10 lignes) : ils devaient appliquer ce protocole au début, 2 fois en cours de lecture (pour mettre en valeur un énoncé qui leur paraissait « important ») puis à la fin.
Ce n’est pas un travail sur les « intonations » mais sur la motivation de lecture et la prise en compte du destinataire.

  Je suis prof en Troisième et je suis en train d’évaluer ma séquence sur la lecture à haute voix. Si cela peut servir de « garantie » quelconque, j’ai été inspectée sur une séance de cette séquence l’année dernière et l’inspecteur a semblé satisfait.
Je pense que pour faire comprendre aux élèves l’importance d’une bonne lecture à haute voix (lecture projetée), il est préférable de partir d’un texte fait pour être lu à haute voix. Par exemple, dans le cas de cette séance, un extrait de discours d’Hugo à l’assemblée (sur la misère). J’ai proposé un extrait de ce discours à mes élèves (il n’était composé que d’une phrase d’environ 10 lignes) et j’ai demandé à un élève (après lecture silencieuse) de le lire aux autres. Les problèmes sont vite apparus. Avec le rétroprojecteur, nous avons travaillé sur l’importance de la segmentation, de la structure grammaticale et sur le choix d’insister ou non sur certains mots. Après divers marquages sur le texte, deux autres élèves ont lu et c’était incontestablement mieux. On peut également travailler des points comme l’articulation (en les forçant, avec un crayon entre les dents par ex. à ouvrir complètement la bouche pour chaque syllabe), la diction particulière en poésie. La deuxième étape de notre travail est de lire vraiment le texte comme un discours en le soutenant par des regards au public (ce qui leur fait encore plus comprendre l’importance du débit, de la segmentation et de la connaissance du texte), des déplacements et des gestes. En 2 séances, c’est faisable et en évaluation, au hasard, les élèves proposent leur critique par groupe et ça va « assez » vite (comme toutes les évaluations orales... soit pour toute la classe : 4 à 5 heures...) mais on peut n’interroger que quelques élèves.
Après ce travail sur le discours, on choisit des textes de théâtre, de roman, des poésies et les élèves doivent s’entraîner à appliquer les critères les plus pertinents. Ça leur plait bien.
Pour conclure et résumer : la clé c’est les laisser travailler (pas seulement lire une fois) le texte avant.

  Pour ma part, j’avais du mal à leur faire comprendre l’importance de la ponctuation dans la lecture du texte, et j’ai donc fait appel à d’anciens cours d’art dramatique : ils étaient debout (tous, pour éviter l’intimidation) et devaient lire le texte en marchant et en marquant de façon physique la ponctuation. Le point donnait lieu à une pause où l’on devait s’arrêter, les deux pieds joints, la virgule était marquée par deux pas au lieu d’un sans diction... Les élèves, outre le côté ludique qui leur a plu évidemment, ont avoué mieux comprendre le principe de la pause de la respiration et du découpage des vers.


Ce document correspond à la synthèse de contributions de collègues professeurs de lettres échangées sur la liste de discussion Profs-L ou en privé, suite à une demande initiale postée sur cette même liste. Cette compilation a été réalisée par la personne dont le nom figure dans ce document. Ce texte est protégé par la législation en vigueur. Fourni à titre d’information seulement et pour l’usage personnel du visiteur, il est protégé par les droits d’auteur en vigueur. Toute rediffusion à des fins commerciales ou non est interdite sans autorisation.

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