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Article : Courant littéraire contemporain


lundi 1er novembre 2004

A l’occasion du "Lire en Fête" de Chaumont (Haute-Marne), 22 auteurs contemporains de dimension nationale sont venus présenter et discuter des enjeux littéraires actuels. Parmi eux, les auteurs "Nouvelle Fiction".

Article proposé par Annie Massy

Salon du livre de Chaumont : Quand lire et en parler est vraiment une fête

Le premier salon du livre de Chaumont s’est achevé. Mais on peut déjà faire un riche résumé, voire bilan littéraire, d’une manifestation comme on en voit peu dans le département, hormis, bien sûr le festival de l’affiche. Il était organisé par les Silos (médiathèque de la ville) dans le cadre de la résidence artistique de Hubert Haddad et avec le soutien des libraires et de la convention « ville lecture ». Son axe majeur était la fiction et il se proposait de poser les enjeux de la création littéraire d’aujourd’hui.

Quel est le courant littéraire contemporain ?

Le salon de Chaumont a présenté plusieurs rencontres débats avec les écrivains, qui ont permis d’en savoir plus sur une tendance de la littérature contemporaine.

C’est la grande question posée au salon du livre de Chaumont. Rien de moins : permettre au public de connaître ce qui se fait de nouveau actuellement en ce début de XXIe siècle. Pas facile cependant car le principe de base d’un mouvement littéraire, c’est d’être reconnu comme tel avec le recul du temps (exception faite pour le romantisme et le surréalisme qui ont eu leur manifeste sous l’influence d’une forte personnalité comme Hugo et Breton, avant les créations elles-mêmes). Mais en règle générale, lorsque les Å“uvres s’écrivent, elles s’écrivent, c’est tout. Les auteurs participant au débat sur « les genres littéraires ont-ils un sens ? » ont d’ailleurs été unanimes sur le fait qu’ils ne cherchent pas à se positionner dans un courant particulier ; un genre, c’était en fait un classement pratique pour les libraires, voire les éditeurs.

Cependant la question a été posée sur une liste privée d’Internet regroupant quand même 1500 professeurs de lettres. La synthèse est rapide : deux tendances apparaissent fin XXe siècle, d’une part une littérature qui se regroupe autour de la sexualité avec Angot, Despentes, Millet, Houellebecq, R. Camus ; de l’autre le retour en force de l’imaginaire et des développements narratifs avec la « Nouvelle Fiction » dont il est dit qu’elle se regroupe autour de « Marc Petit et George-Olivier Châteaureynaud ».

  C’est précisément cette « Nouvelle Fiction » qui était représentée en force par l’entremise de Hubert Haddad, en résidence aux Silos et président du salon chaumontais. Mais quelle est-elle exactement ? la question a déjà été posée plusieurs fois dans la ville lors de rencontres littéraires à la médiathèque, ces deux dernières années. On savait déjà qu’elle privilégiait l’imaginaire, la fantaisie et les surprises par le recours aux mythes, à l’exotisme et aux voyages mais aussi une influence médiévale et la psychanalyse. Par contre, pour l’adjectif « nouvelle », rien n’était moins sûr car elle se trouve aussi être la résultante de courants du XIXe et début du XXe siècles : utilisation du réel, fantastique et surréalisme. Une seule chose est acquise : le refus du Nouveau Roman et de la littérature minimaliste. En fait, l’adjectif serait venu d’une boutade : dans les années 1980, il y avait déjà les nouveaux philosophes, la nouvelle cuisine, pourquoi pas la nouvelle fiction ?

  Cependant ce courant semble exister avec son critique Jean-Luc Moreau qui se targue de l’avoir détecté dans les années 1990. Et comme André Breton en son temps, il se permet même d’en exclure ceux qu’il n’en juge pas suffisamment représentatifs comme Francis Berthelot.

Transfiction plutôt que Nouvelle Fiction

  Mais c’est aussi mettre de côté tout ce qui se lit le plus parmi les adolescents, notamment la science fiction. Francis Zahn, libraire interrogé sur ce point, reconnaît que ce qui se vend le mieux auprès des jeunes, c’est la collection « Chair de poule » puis, plus tard Stephen King. Francis Berthelot préfère donc parler de « littérature transfictionnelle » ou « Transfiction », c’est-à-dire « une zone frontalière entre la littérature générale et l’imaginaire qui ne respecte pas les conventions narratives » : fantastique, merveilleux noir, science fiction mais aussi (pas trop rancunier) la Nouvelle Fiction. Les précurseurs en sont entre autres Boris Vian et Marcel Aymé. Elle ne refuse pas d’avoir été influencée par le roman policier, la littérature anglo-saxonne et, bien sûr, la science fiction.

  Les débats organisés pendant le salon ont permis de déterminer certaines caractéristiques : confusion des genres surtout entre poésie, roman et nouvelle ; mélange de réel, d’onirisme et d’imaginaire ; exploitation des ressources de la psychanalyse ; exploration de différentes formes d’écriture mais qui s’adaptent toujours au sujet de l’Å“uvre ; mais aussi, « liberté de l’écrivain d’aller dans tous les sens » comme l’a dit Jean-Claude Bologne.

  Alors un nouveau courant littéraire est-il apparu officiellement au salon de Chaumont ? L’idée est aussi plaisante que flatteuse... Malheureusement, il faudra sans doute attendre le successeur des Lagarde et Michard du XXIe siècle pour en être sûr. On n’a donc pas fini d’en parler.

Présentation des écrivains cités dans l’article

BERTHELOT Francis (Paris 1946....)

  Ne pas dire de lui qu’il est le fils du physicien célèbre et le frère d’un brillant scientifique : la difficulté de se situer par rapport à des pères hors normes est, entre autres, un thème de son Å“uvre ; il se dit "littéraire contrarié" mais il est pourtant très présentable comme scientifique : en résumé, polytechnicien, Docteur en biologie moléculaire, chercheur au CNRS... sur les arts et le langage. Il a travaillé pour le théâtre et la télévision.

  Auteur « structural » (c’est à dire, selon lui, qu’il construit ses romans soigneusement avant de les écrire, par rapport aux écrivains « scripturaux » qui commencent à écrire sans savoir encore la fin du livre).

  Il a publié des romans dans des genres différents mais qui se rattachent à la science fiction, au merveilleux et toujours avec des analyses psychologiques voire psychiatriques. Il se classe dans le « merveilleux noir » et c’est lui qui a lancé le mot de « transfiction »

  Å’uvre abondante et variée. Grand prix de l’imaginaire dans les quatre catégories, nouvelles, roman, essai, jeunesse (Rivage des Intouchables, Folio SF) ; prix du meilleur roman français au festival de la science-fiction de Metz etc... Ses romans ont la particularité se réintroduire les mêmes personnages de l’un à l’autre.
Son dernier, sorti chez Flammarion (début 2003), Nuit de Colère, raconte l’adolescence du seul rescapé du massacre d’une secte. Il a gardé les pouvoirs de son gourou de père : lire, voire dominer, les pensées des autres. Il se lie d’amitié avec le fils d’un génie international, le seul dont il ne peut percer le cerveau : roman d’apprentissage aussi. Ces jeunes hommes sont-ils condamnés à n’être que l’ombre de leur géniteur ? Beaucoup de rebondissements et d’émotions jusqu’à la fin.

  Nota bene : Francis Berthelot est venu présenter son livre dans mes classes de secondes et première : il a très bien passé et les jeunes ont beaucoup apprécié son livre.

BOLOGNE Jean-Claude (Liège 1956...)

  Etudes de philologie romane, mémoire sur la Génèse des mètres gallo-romans., professeur d’iconographie médiévale à l’institut supérieur des carrières artistiques, à Paris. Fonde et collabore à de nombreuses revues littéraires, ce qui explique sa présence au salon de Chaumont. Il a publié une trentaine d’ouvrages : romans, essais (Histoire de la pudeur, histoire du mariage), dictionnaires thématiques (les Allusions Littéraires, les Allusions Bibliques, Les Sept merveilles). Quel rapport avec la Nouvelle Fiction ? ... je ne sais pas mais il est un homme charmant et d’une très grande culture.... et qui plus est, présenté comme un des plus grands écrivains actuellement de langue française... vive la Belgique qui nous l’a offert !

CHÂTEAUREYNAUD Georges-Olivier (Paris 1947...)

  Il a étudié, entre autres, la littérature anglo-saxonne. Il est considéré comme un des artisans du renouveau de la nouvelle en France (genre, il faut bien le dire, beaucoup plus anglo-saxon que français).

  1982 : prix Renaudot pour La Faculté des Songes

  2003 : prix Valéry-Larbaud pour Au Fond Du Paradis
C’est souvent lui qui parle de la Nouvelle Fiction lors de salons ou interviews, ce qui explique que son nom y soit automatiquement rattaché.

  J’ai lu son recueil de nouvelles : Le Héros Blessé au Bras (Babel, Actes Sud, mai 1999). C’est un mélange d’onirisme tendre et nostalgique, de pure poésie en prose et de réalité insupportable (enfant abandonné, voire martyrisé par son père, solitude insupportable, camp de concentration...) : à la fois destabilisant et terriblement attachant.

HADDAD Hubert (Tunisie 1947....)

  Auteur d’une cinquantaine d’ouvrages, romans, essais, livres d’art, poèmes, nouvelles et pièces de théâtre. En résidence artistique à la médiathèque de Chaumont depuis deux ans, c’est lui qui y a introduit les écrivains de la Nouvelle Fiction et il était le président de ce premier salon du livre.

  Son dernier livre, Le Ventriloque Amoureux ( Zulma 2003) est un court roman symbolique et onirique sur une base historique avec une fin surprenante... ou une longue nouvelle avec des développements et rebondissements narratifs : intérêt entretenu jusqu’à la dernière ligne.

MOREAU Jean-Luc (1947...)

  Traducteur de l’autrichien, chroniqueur littéraire à Radio Libertaire, écrivain, auteur de nouvelles, lecteur dans différentes maisons d’édition, critique... Il se targue d’avoir détecté dans les années 1990, un courant littéraire, « La Nouvelle Fiction ». Il en a d’ailleurs fait un essai (éd. Critérion 1992) : littérature imaginative, pleine de fantaisies et de surprises.

PETIT Marc (1947...)

  Germaniste, professeur de littérature allemande à l’université de Tours, traducteur mais aussi conteur, romancier, essayiste et poète. Ses nouvelles ont été rassemblées dans : Histoires à n’en plus finir (1998). Dans son essai Eloge de la Fiction, il fait le point avec un humour décapant sur la littérature française contemporaine.

  L’équation de Komogorff (Ramsay 2003) : l’auteur déclare y « réinventer le roman par une enquête biographique hallucinante autour de la vie et la mort du mathématicien Wolgang Döblin, fils du célèbre romancier Alfred Döblin, génie méconnu disparu dans la tourmente en 1940. »

Petite remarque perso :

  Ces écrivains, d’après ce que j’en ai lu, en tout cas, ont le mérite d’assouvir la soif d’imaginaire du lecteur...

  Par contre, je trouve leur groupe bien masculin, voire machiste. Aucune femme... non, j’exagère, il y en avait trois d’invitées au salon de Chaumont : l’une est passée totalement inaperçue, même pas un peu de figuration comme dans les pubs sur n’importe quoi, la deuxième a été aussi en résidence artistique à Chaumont, ce qui explique sa présence, bien qu’elle soit auteur de livres d’enfants et la troisième... une catastrophe au niveau de la présentation ! « Laure Fardoulis, fille du célèbre écrivain... bref, on avait envie d’emblée de lui demander de parler de son père. Son dernier roman, La Piscine Molitor mérite pourtant le détour d’une lecture : atmosphère nostalgique des années 70 de la jeunesse dorée du quartier latin, mélange de Françoise Sagan et de Marguerite Duras, avec une langue élégante et fluide.

Annie Massy


Cet article d’Annie Massy correspond à un article paru dans l’hebdomadaire La Croix Hebdo de la Haute-Marne. Il est publié ici avec l’autorisation de la rédaction. Ce texte est protégé par la législation en vigueur. Fourni à titre d’information seulement et pour l’usage personnel du visiteur, il est protégé par les droits d’auteur en vigueur. Toute rediffusion à des fins commerciales ou non est interdite sans autorisation.


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