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Article : [87] - S’engager ?


vendredi 7 novembre 2003

Par Françoise Chatelain

Il s’agit de trouver des textes et documents sur l’engagement de l’artiste ; des textes qui permettraient d’analyser des arguments pour l’engagement et d’autres pour le droit de l’artiste ne pas s’engager.

  J’ai, bien entendu, pensé à SARTRE, HUGO et ZOLA bien que, dans les deux derniers cas, je dispose plutôt de textes engagés en faveur d’un problème que de textes réfléchissant sur leur position d’intellectuels engagés.
J’ai pensé aussi à B.VIAN.
  Dans le même esprit, je cherchais des documents (articles des presse, photos, textes littéraires, cinéma, chansons...) évoquant la situation des artistes ayant pris position dans des cas précis, comme la chasse aux sorcières à l’époque du Maccarthysme (Miller, Les Sorcières de Salem), les protestations contre la guerre au Vietnam (j’ai lu à ce propos que G.Peck avait été mis à l’index sous l’administration Nixon), Mai 68 ou, récemment, les manifestations contre la guerre en Irak, sans parler bien sûr de la 2e guerre mondiale et du cas des artistes contestataires dans le bloc de l’est mais je voudrais actualiser un peu.

Réponses reçues

En général
  L’art engagé, Larousse, col. idéologie et société, avec des textes théoriques pour et contre (ROBBE-GRILLET contre SARTRE, etc).

Pour l’engagement
  Chansons : comment ne pas penser à l’âge d’or des chansons à textes : FERRAT et toutes ses chansons, nombreuses, qui répètent "Je ne chante pas pour passer le temps", aux hurlements de FERRE "Y en a pas un sur cent et pourtant ils existent/ La plupart espagnols, allez savoir pourquoi..."
  Il me semble que le poème d’ARAGON "Je chante pour passer le temps...", poème liminaire de la 3e partie du Roman inachevé, 1956, est tout sauf le contraire de l’engagement, se continuant par "Petit qu’il me reste de vivre" et se concluant par "Je passe le temps en chantant / Je chante pour passer le temps " : (me semble-t-il) la poésie = la vie. Le poème, en effet consacre sa 2e et sa 3e strophe à louer les conquêtes techniques de l’homme du XXe s. et la 4e à louer ses conquêtes politiques (la 5e faisant la synthèse des deux ) : "Tant fut cette vie aventure / Où l’homme a pris grandeur nature". On peut, naturellement, être en désaccord avec les choix d’Aragon, mais on ne peut certainement pas en faire un tenant de l’art pour l’art.
  Pour rester dans cette problématique il me revient en mémoire que Jean FERRAT a composé une sorte de réponse à ce poème d’Aragon : "Je ne chante pas pour passer le temps" ; il y parlait notamment de "poètes qu’on assassine..."

Contre l’engagement
  Dans son fameux texte extrait de Notes nouvelles sur Edgar Poe, BAUDELAIRE écrit : "Une foule de gens se figurent que le but de la poésie est un enseignement quelconque, qu’elle doit tantôt fortifier la conscience, tantôt enfin démontrer quoi que ce soit d’utile. Edgar Poe prétend que les Américains ont spécialement patronné cette idée hétérodoxe ; hélas ! il n’est pas besoin d’aller jusqu’à Boston pour rencontrer l’hérésie en question. Ici même, elle nous assiège, et tous les jours elle bat en brèche la véritable poésie. La poésie, pour peu qu’on veuille descendre en soi-même, interroger son âme, rappeler ses souvenirs d’enthousiasme, n’a pas d’autre but qu’elle-même ; elle ne peut pas en avoir d’autre, et aucun poème ne sera si grand, si noble, si véritablement digne du nom de poème, que celui qui aura été écrit uniquement pour le plaisir d’écrire un poème."
  BRASSENS, "La chanson des Tommy, la chanson des Teutons" ou "Mourons pour des idées, d’accord, mais de mort lente !" (On pourrait mettre en parallèle ce dernier texte avec cet autre du non engagement privé du même Brassens : "J’ai l’honneur de ne pas te demander la main"
  Dans la nouvelle collection Deboeck Duculot Parcours et références dont 2 volumes viennent de sortir : référentiel langue et le volume Théâtre et textes d’idées, il y a un texte très intéressant de Jean GENET, sur les effets pervers de l’engagement, p.22, une position intéressante que j’ai peu souvent rencontrée.
  MONTHERLANT, pour de bonnes-mauvaises raisons
  De mémoire, sans doute CELINE raillant SARTRE.
  Tous les Hussards surtout NIMIER
  Le dadaïsme, comme anarchie "Plus de peintres, plus de littérateurs", « (...) plus de politique, plus d’anarchiste !(...) plus rien RIEN RIEN RIEN ».
  Une interprétation possible d’Antigone, qui choisit l’engagement métaphysique au dessus des lois, contre l’engagement politique et son opportunisme (ou opportunité ?). Montrer ainsi que l’engagement se situe à des niveaux divers
  Peut-être FLAUBERT est-il un exemple d’écrivain qui ne s’engage que dans son art ?
  Il y a aussi toute une polémique autour de SARTRE et l’engagement en art (ce qui n’est qu’un point d’attaque particulier), par ceux qui prennent le parti opposé : l’art pour lui-même, ROBBE-GRILLET et certains des néo-romanciers. Voir le recueil Les écrivains engagés, Larousse, idéologies et sociétés, 1977. On cite : Thomas MANN Considérations d’un apolitique, Grasset, ROBBE-GRILLET, Pour un nouveau roman (Gallimard Idées) "il n’est d’engagement que littéraire". Jacques LAURENT Paul et Jean-Paul (Gallimard Idées), l’ironie contre l’engagement.
  T. GAUTIER, la préface de Mademoiselle de Maupin 1835. Vous trouverez aussi quelques réponses dans le moteur de recherche du tout récent CD-Rom Lagarde et Michard.
  Contre l’engagement politique de l’écrivain, vous avez une épître en vers de RONSARD à Théodore de BEZE où il l’engage à s’occuper d’Homère plutôt que d’attiser la guerre civile entre catholiques et protestants. J’ai trouvé ce texte aux pages 379-380 du Nathan Moyen-Age - XVI°. Il est tiré de la Continuation des discours des misères de ce temps, publié en livre de Poche (n°3695).
  Dans le manuel de Première (coll. H. SABBAH) chez Hatier, vous trouverez p. 238 un sonnet d’Alain BOSQUET revendiquant le droit du poète à faire de la poésie.
  En feuilletant Les Essais de MONTAIGNE, vous trouverez une moisson de textes pesant la nécessité et d’engager et celle de se réserver. Ces textes ne sont pas rares, mais rarement reproduits dans les anthologies. On se demande pourquoi.
  Pour un art révolutionnaire indépendant, manifeste de 1938, signé par André BRETON et Diego RIVERA (rédigé en fait par Breton et Trotsky). Texte recueilli dans Littérature et Révolution, de TROTSKY 10/18, 1974.
  Benjamin PERET, Le Déshonneur des poètes, Libertés, Pauvert, 1965.
  Il y a aussi des textes de R. de GOURMONT (site actuellement indisponible).
  Ces auteurs ne sont pas contre l’engagement de l’artiste en tant qu’individu (Benjamin PERET combattant en Espagne, GOURMONT écrivant le Joujou patriotisme, ce qui entraînera sa radiation de la Bibliothèque nationale), mais contre l’engagement direct de l’art au service d’une cause, quelle qu’elle soit.
  Vague souvenir, du côté de GIONO, me semble-t-il.
  Plus généralement, il y a sûrement à trouver du côté des artistes qui ont pu s’expliquer sur leur non engagement explicite contre le nazisme dans l’immédiat après-guerre.
  IONESCO me semble aussi convenir et je me demande si la fable de Rhinocéros n’est pas une pièce dégagée -si peu- contre les engagements.
  Vous devriez trouver votre bonheur dans le recueil d’articles d’Alain ROBBE-GRILLET, Pour un nouveau roman.
  Marcel AYME, aimable conteur mais aussi essayiste de talent, entre autres sujets, sur l’engagement. C’est publié aux Belles Lettres (2003) sous le titre Ecrits sur la politique (1933-1967). Un article inédit, publié dans cette édition p.223-227, intitulé "La peur" évoque l’ambiance des lettres françaises entre la Libération et le début des années 50. En page 268, dans un article de 1950 intitulé "L’épuration et le délit d’opinion", il est question du Comité National des Ecrivains et de sa liste noire. Enfin, vous trouverez dans un autre article de 1953, intitulé "Liberté d’expression", son impression sur l’engagement des écrivains d’alors. Je cite enfin un extrait de sa lettre à André WURMSER de 1935, où celui-ci l’engageait à adhérer au PC : "[...] De ce que je n’ai pas encore obéi à la nécessité de prendre parti, vous concluez à mon égoïsme d’écrivain et à mon ignorance des réalités [...] Mais, quoi qu’il vous semble, je compte pour rien mon droit de "rêver librement" en regard de la misère des hommes, et si mon ignorance est telle que vous me dites, ce n’est pas faute de m’informer et de chercher à comprendre. Jusqu’à maintenant, j’ai cru observer que l’intérêt des partis n’avait que des points de contact avec celui de la masse de leurs partisans, et il m’a semblé que ce n’était pas suffisant." (p. 61-62)

Témoignages sur la situation des artistes engagés
  Philippe ROTH, J’ai épousé un communiste, roman de qui évoque le Maccarthysme
  Julos BEAUCARNE, "Léonid Plioutch" (disque Communiqués colombophiles), "lettre à Kissinger" (disque Chandeleur septante-cinq), même épisode version Servat / musique bretonne : Gwerz Victor C’hara [ nb : gwerz = à peu près "complainte"] dans le disque L’Hirondelle 1974 Texte original en breton d’après un récit de l’écrivain chilien Miguel CABEZAS, témoin oculaire, paru dans un journal de Buenos Aires
  Pour la récente guerre contre l’Irak il y a les pages publicitaires que l’acteur Sean PENN avait achetées dans le Herald Tribune je crois, pour envoyer des lettres ouvertes vigoureuses dénonçant les prises de position de l’administration Bush.
  Autodafé, le site du Parlement des écrivains


Ce document correspond à la synthèse de contributions de collègues professeurs de lettres échangées sur la liste de discussion Profs-L ou en privé, suite à une demande initiale postée sur cette même liste. Cette compilation a été réalisée par la personne dont le nom figure dans ce document. Ce texte est protégé par la législation en vigueur. Fourni à titre d’information seulement et pour l’usage personnel du visiteur, il est protégé par les droits d’auteur en vigueur. Toute rediffusion à des fins commerciales ou non est interdite sans autorisation.

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