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Article : [306] - Catastrophes naturelles et littérature


dimanche 5 juin 2005

Par François Freby

Il s’agissait de constituer un groupement de textes sur les tremblements de terre, séismes, catastrophes naturelles, etc.
Comment l’horreur, la détresse humaine, comment la puissance hostile des phénomènes naturels sont-elles décrites, selon quels points de vue, un système explicatif de ce Mal irrigue-t-il le texte, quelle est l’intention de l’auteur montrant ainsi la fragilité des Å“uvres humaines devant la Nature, etc. ?

Remarques préalables :
  L’ensemble des liens Internet de ce document ont été visités le 10 mai 2005.
  La classification des textes n’a pas été dégrossie et se veut avant tout fonctionnelle.

I. Formulation de la recherche initiale et éléments de problématique)

Le célèbre « Poème sur le désastre de Lisbonne » de Voltaire a peut-être été travaillé en classe à l’occasion funeste du Tsunami d’Asie, tant les mots de Voltaire peuvent légender les images que nous avons vues de la catastrophe.
On peut envisager de constituer un groupement de textes sur les tremblements de terre, séismes, catastrophes naturelles, etc. Comment l’horreur, la détresse humaine, comment la puissance hostile des phénomènes naturels sont-elles décrites, selon quels points de vue, un système explicatif de ce Mal irrigue-t-il le texte, quelle est l’intention de l’auteur montrant ainsi la fragilité des Å“uvres humaines devant la Nature, etc. ?
Hormis le poème de Voltaire évoqué ci-dessus et le passage de Candide relatif au même séisme, connaissez-vous d’autres textes ?

II. Collection de textes correspondant à la requête

A. La catastrophe naturelle dans le récit mythique
  « Le Déluge »
C’est dans la tradition babylonienne qu’apparaît la première version de ce mythe. Les inondations impressionnantes de l’Euphrate pourraient en être la source d’inspiration. Le récit biblique (Gn 6 à 9) participe de la série des textes déployant l’idée d’alliance de Dieu et des hommes. La Bible ne présente pas un Dieu détruisant le monde de façon arbitraire mais sanctionnant la méchanceté des hommes. D’ailleurs, le personnage central du récit, le juste Noé, est épargné. Un arc-en-ciel constituera le signe de la nouvelle Alliance instaurée par Dieu avec tous les êtres vivants. (Paragraphe rédigé d’après l’article « Déluge » du Dictionnaire culturel de la Bible, édition Marabout, 1990)
Lire un extrait de la Bible, « Noé entre dans l’arche. Le déluge inonde la terre. »
Quelques lignes de cette page web :
« Le Seigneur dit ensuite à Noé : Entrez dans l’arche, vous et toute votre maison, parce que entre tous ceux qui vivent aujourd’hui sur la terre, j’ai reconnu que vous étiez juste devant moi. [...] Toutes les créatures qui étaient sur la terre, depuis l’homme jusqu’aux bêtes, tant celles qui rampent que celles qui volent dans l’air, tout périt ; il ne demeura que Noé seul, et ceux qui étaient avec lui dans l’arche. Et les eaux couvrirent toute la terre pendant cent cinquante jours. »

  « L’Apocalypse »
L’apocalypse est un genre littéraire en vogue dans le monde juif entre le IIe siècle av. J.C. et le Ier siècle apr. J.C. « Sous le nom de Jean (longtemps identifié avec l’apôtre), le dernier livre du Nouveau Testament décrit, avec une extraordinaire profusion de symboles, le combat des forces du mal contre les fidèles du Christ, jusqu’à la victoire finale de celui-ci et l’avènement de la Jérusalem céleste » (article « Apocalypse », Dictionnaire culturel du christianisme, Nathan, 1994).
Lire l’Apocalypse de Jean
Quelques lignes de cette page web :
« [...] il se fit un grand tremblement de terre, et le soleil devint noir comme un sac de crin, et la lune devint comme du sang. Et les étoiles du ciel tombèrent sur la terre, comme un figuier, agité par un grand vent, jette ses figues vertes. Et le ciel se retira comme un livre qu’on roule ; et toutes les montagnes et les îles furent ôtées de leurs places. »

B. La catastrophe naturelle dans le récit historique
  Les Lettres de Pline le Jeune sur Pompéi (Pline le Jeune, Lettres, tome II, Livres IV-VI)
Des informations assez détaillées sur l’éruption nous sont parvenues grâce à deux lettres que Pline le Jeune, âgé de 17 ans lors de la catastrophe, a écrites à son ami, l’historien Tacite. Celui-ci avait demandé des détails sur la mort de son ami, Pline l’Ancien, survenue lors de l’éruption « afin d’en transmettre fidèlement le récit à la postérité » (VI, 16). Ce témoignage écrit est le premier document historique concernant un volcan. Du fait que Pline le Jeune en a livré une description quasi scientifique, ce type d’éruption est désormais qualifiée de « plinienne ». Le jeune Pline n’assista donc pas directement à la catastrophe mais observa les phénomènes depuis le Cap Misène, à l’extrémité nord de la Baie de Naples, où il résidait avec son père adoptif.
Ce paragraphe est extrait de la page web qui propose également des fragments de ces lettres.
Lire des extraits des lettres de Pline le Jeune à Tacite, sur l’éruption du Vésuve en 79 après J.-C :
Quelques lignes de cette page web :
« A ce moment, de la cendre, mais encore peu serrée ; je me retourne : une traînée noire et épaisse s’avançait sur nous par derrière, semblable à un torrent qui aurait coulé sur le sol à notre suite. [...] On entendait les gémissements des femmes, les vagissements des bébés, les cris des hommes ; les uns cherchaient de la voix leur père et leur mère, les autres leurs enfants, les autres leurs femmes, tâchaient de les reconnaître à la voix. Certains déploraient leur malheur à eux, d’autres celui des leurs. Il y en avait qui, par frayeur de la mort, appelaient la mort. Beaucoup élevaient les mains vers les dieux ; d’autres, plus nombreux, prétendaient que déjà il n’existait plus de dieux, que cette nuit serait éternelle et la dernière du monde. »

C. La catastrophe naturelle dans la poésie didactique
  Poème de Voltaire sur le désastre de Lisbonne ou examen de cet axiome ; « Tout est bien » (1756)
Lire la préface de ce poème et son texte intégral :
Quelques lignes de cette page web :
« O malheureux mortels ! ô terre déplorable !
O de tous les mortels assemblage effroyable !
D’inutiles douleurs éternel entretien !
Philosophes trompés qui criez : "Tout est bien"
Accourez, contemplez ces ruines affreuses
Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,
Ces femmes, ces enfants l’un sur l’autre entassés,
Sous ces marbres rompus ces membres dispersés ;
Cent mille infortunés que la terre dévore,
Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,
Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours
Dans l’horreur des tourments leurs lamentables jours ! »

D. La catastrophe naturelle dans le conte philosophique
  Candide de Voltaire (1759)
Les aventures de Candide sont rythmées par les malheurs, dont les catastrophes naturelles du chapitre cinquième : « Tempête, naufrage, tremblement de terre, et ce qui advint du docteur Pangloss, de Candide, et de l’anabaptiste Jacques ».

E. La catastrophe naturelle dans le roman historique
  Les Derniers jours de Pompeï de Edward Bulwer-Lytton (1834)
Au XVIIIe siècle, des fouilles archéologiques mettent à jour les ruines d’Herculanum et de Pompéi. Ces deux riches cités romaines avaient été rayées de la carte par l’éruption du Vésuve en 79 après Jésus-Christ. Edward Bulwer-Lytton (1803- 1873) s’inspire de cette tragédie et fait revivre les fastes de l’empire romain dans ce somptueux roman historique. (Présentation de l’éditeur Hemma, 2002)

F. La catastrophe naturelle dans la nouvelle naturaliste
  « L’inondation » d’Emile Zola, texte publié initialement dans le recueil de nouvelles Le Capitaine Burle (1882)
La nouvelle "L’Inondation » figure en collection « Librio », dans le recueil de nouvelles La Mort d’Oliver Bécaille.
Louis Roubieu, agriculteur, 70 ans est né à Saint-Jory près de Toulouse en amont de la Garonne. Après s’être battu pendant des années pour cultiver ses récoltes et s’occuper de sa ferme, il est maintenant le fermier le plus riche de toute sa ville et envisage d’investir sur d’autres terrains qu’il aimerait cultiver. Il a agrandi la maison pour pouvoir y installer sa femme, son frère, sa sÅ“ur, ses enfants et ses petits enfants, ou ils vivent heureux avec leurs bonnes récoltes. Leur destin va basculer. (Présentation de l’éditeur)
Lire un extrait de la nouvelle (il s’agit de la fin de la nouvelle) >
Quelques lignes de cette page web :
« Maintenant l’eau atteignait les tuiles ; le toit n’était plus qu’une île étroite émergeant de la nappe immense. Alors commença l’assaut. Jusque là, le courant avait suivi la rue ; mais les décombres qui la barraient le détournèrent sur nous. Dès qu’une épave, une poutre, passait à proximité, il la prenait, la balançait, puis la précipitait contre la maison, comme un bélier. Bientôt, dix, douze poutres nous attaquèrent ainsi à la fois, de tous les côtés. Par moment, à certains chocs plus durs, nous pensions que c’était fini, que les murailles s’ouvraient et nous livraient à la rivière. Le village détruit ne montrait plus autour de nous que quelques pans de murailles. Au loin ronflait la coulée énorme des eaux. »

G. La catastrophe naturelle dans le roman d’aventure
  Le volcan d’or de Jules Verne (1906)
Ben et Summy apprennent qu’ils sont légataires d’une parcelle de terrain au Klondike. Afin de savoir si celle-ci renferme de l’or, ils décident de se rendre sur place. Le volcan d’or est mieux qu’un roman d’aventures : il offre une description saisissante de la vie quotidienne des chercheurs d’or, des cités champignons qu’ils érigent, des fléaux qu’ils devront vaincre avant de se mesurer à l’ennemi le plus redoutable : la nature toute-puissante. (Extrait de la description de l’éditeur Gallimard)
Lire une étude « Représentation des catastrophes naturelles dans la littérature : Le volcan d’or, de Jules Verne »
Quelques lignes de cette page web :
« Les Å“uvres de fiction qui intègrent dans leur intrigue une catastrophe - comme péripétie ou bien comme thème principal - constituent un champ d’étude intéressant lorsqu’on veut traiter de la représentation et de la perception du risque. Il n’y a qu’à considérer par exemple la masse de fictions relatant une catastrophe atomique plus ou moins importante pour se rendre compte à quel point ces Å“uvres cristallisent certaines angoisses ou certains désirs, même si elles sont parfois de l’ordre du fantasme extravagant. En retour, elles nourrissent l’imaginaire collectif. Elles peuvent donc nous renseigner sur l’évolution de la perception non seulement du risque, mais encore de ce qui se joue lors d’une catastrophe. Car, si on ne s’arrête pas sur les aspects divertissants de ce type d’Å“uvres littéraires (suspense, aventure, etc.), on constate en effet que celles-ci permettent la mise en scène d’une question qui hante l’homme, à savoir celle de son rapport souvent "tendu" avec la nature et de la place qu’il occupe au sein de celle-là : en est-il le maître, ou n’est-il qu’un élément négligeable et éphémère d’un tout qui le dépasse ? [...] Le volcan d’or comporte trois scènes de cataclysme : un tremblement de terre, une tempête de neige, et enfin une éruption volcanique - provoquée par l’ingénieur Ben Raddle afin de vider le volcan des pépites qu’il contient. »

H. La catastrophe naturelle dans l’épopée créole
  Texaco de Patrick Chamoiseau (1992)
On peut lire dans ce livre le récit de la catastrophe naturelle qui a ravagé la Martinique le 8 mai 1902, réduisant en cendres la ville de Saint Pierre. En effet, le 8 mai 1902, l’éruption du volcan de la montagne Pelée provoque la disparition de la ville de Saint-Pierre et de ses 30 000 habitants.
Quelques mots sur Patrick Chamoiseau : « En 1986 il publie son premier roman, Chronique des sept misères, où il raconte l’expérience collective des djobeurs et étale son invention d’un nouveau style linguistique, un langage hybride accessible aux lecteurs de la Métropole qui contient néanmoins les valeurs socio-symboliques du créole, la provocation et la subversion. Par la suite apparaît son deuxième roman Solibo magnifique (1988), livre qui développe les thèmes de la recherche d’une identité martiniquaise par les pratiques culturelles du passé. Il est par son troisième roman pourtant que Chamoiseau éclate sur la scène internationale. Texaco (1992), grande épopée, raconte les souffrances de trois générations, d’abord sous l’esclavage, puis pendant la première migration vers l’Enville, enfin à l’époque actuelle. Texaco gagne le Prix Goncourt et établit Chamoiseau comme la vedette du mouvement créoliste. » (Lire le texte ici)

I. La catastrophe naturelle dans le roman d’anticipation

  10 sur l’échelle de Richter (1999) est un roman d’anticipation de Arthur C. Clarke et Mike Mc Quay.
Lewis Crane a survécu à un terrible séisme tellurique où ses parents ont trouvé la mort. Dans cette épreuve, il a acquis le pouvoir de sentir le tremblement de terre et même l’endroit où il frappera. Sa haine farouche de ce mal, alliée à cette prescience, fait qu’il va devenir une sorte de gourou voulant éradiquer ces catastrophes naturelles en utilisant les bombes atomiques, devenues inutiles pour la guerre. Arthur C. Clarke, l’un des derniers grands maîtres de l’âge d’or de la SF, continue à nous passionner avec ce roman d’anticipation. (Critique par Alain Grousset, revue Lire, juin 1999)

III. Ressources diverses pour approfondir les questions et préparer une séquence

A. Autres romans...

Pour les petites sÅ“urs et les petits frères des élèves :
  Alerte ! L’ouragan, par Jack Dillon, Frédérique Revuz. Roman junior 9-12ans (Edition Broché, collection « Bibliothèque verte », 2000).
On avait déjà eu très peur en décembre dernier, lors de la tempête, mais ce n’était rien par rapport à ce récit à faire frémir d’horreur. Buté et sûr de lui, le père de Jason décide de rester à la maison malgré les recommandations des autorités. Quand survient l’ouragan... Spécialiste des catastrophes naturelles, Jack Dillon raconte jusqu’aux moindres détails. On y croit, on y est. Terrifiant ! (Critique par Laurence Liban, revue Lire, juin 2000)

  Alerte ! Le tremblement de terre, par Jack Dillon. Roman junior 9-12ans (Edition Broché, collection « Bibliothèque verte », 2000).
Tandis qu’ils gravissent la montagne, Ben et Carly ressentent soudain une atmosphère étrange. Soudain, un tremblement de terre se produit. Pris de panique, ils tentent de rejoindre leur village. Lorsqu’ils arrivent, tout est sous les décombres... (Mot de l’éditeur)

B. Colloques, expositions, parutions savantes, groupes de recherche universitaire

  René Favier et Anne-Marie Granet-Abisset (Dir.), Récits et représentations des catastrophes depuis l’Antiquité, MSH-Alpes, janvier 2005.
Si un événement peut être catastrophique pour les populations qui en sont victimes, c’est dans bien des cas par le discours que l’on a tenu sur lui, qu’il prend - ou non - un statut de catastrophe. Par la manière dont ils sont construits et présentés, ces récits ne se limitent pas à rendre compte des événements survenus : ils sont l’expression de la façon dont les sociétés ont vécu avec la menace, acceptent ou occultent le risque. Depuis l’Antiquité, avec des mots parfois identiques, ces récits, tant vernaculaires qu’érudits, et l’iconographie qui peut les accompagner, ont fait de la catastrophe un thème récurrent traversant toutes les périodes et tous les pays. Cet ouvrage propose, à travers des contributions issues d’un colloque organisé à Grenoble en avril 2003, une série d’éclairages sur ces questions, via des exemples très variés aussi bien dans le temps (depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque contemporaine) que sous l’angle des événements considérés (avalanches, inondations, tempêtes, séismes...) et des "médias" par lesquels passent ces discours et représentations (bas-reliefs, presse, littérature, sermons, films, photographies...) (Présentation de l’éditeur)
Sommaire de l’ouvrage et résumé des articles (et formulaire pour le commander) :

  Grégory Quenet, Les tremblements de terre en France aux 17ème et 18ème Siècles,
Champ Vallon, mars 2005.
Cet essai étudie à travers des documents d’archives et des reconstitutions de séismes anciens, l’évolution de la perception en France des séismes, de leurs causes, de leur symbolique, du degré d’acceptation par les populations des catastrophes naturelles et de leurs conséquences, etc.

  Exposition « Quelle catastrophe ! L’invention du désastre médiatique » à l’Espace Patrimoine
de la Bibliothèque de la Part-Dieu, 69003 Lyon, du 20/01/2005 au 07/05/2005.
Pour désigner les événements malheureux et imprévus, le discours journalistique a aujourd’hui une échelle dont le mot « catastrophe » occupe l’échelon supérieur, au-dessus de « drame » et de « tragédie ». Il n’en a pas toujours été ainsi. D’abord parce qu’il a fallu attendre le XVIIIe siècle pour que la presse s’éveille vraiment au formidable pouvoir d’attraction des désastres en tous genres ; ensuite parce que le mot « catastrophe » n’a eu longtemps que son sens technique de « dernier et principal événement d’une tragédie ». Un des premiers à employer le mot dans son sens nouveau est Usbek dans les Lettres persanes (1721) : « Je ne te parlerai pas de ces catastrophes particulières, si commune chez les historiens, qui ont détruit des villes et des royaumes entiers : il y en a de générales, qui ont mis bien des fois le genre humain à deux doigts de sa perte. »
Comme tous les siècles, celui des Lumières a été marqué par des catastrophes : peste de Marseille en 1720, tremblement de terre de Lisbonne en 1755, de Messine en 1783 ; éruptions, inondations, incendies variés. Mais la nouveauté est que ces événements sont l’objet d’une publicité sans précédent, et d’une exploitation artistique inédite.
À propos des inondations, Roland Barthes a montré comment elles peuvent être productrices d’euphorie : « L’Arche est un mythe heureux : l’humanité fait sortir du malheur même l’évidence que le monde est maniable. » Ce principe est à l’Å“uvre dans la monumentale Arche de Noé due à l’imagination d’Athanasius Kircher (1675). Les représentations textuelles ou visuelles des volcans et des tremblements de terre hésitent elles aussi entre l’espoir d’un contrôle par la raison et le cÅ“ur (pompes à incendie, organisation de la charité), la terreur sacrée, et le plaisir esthétique du spectacle sublime. À propos de la débâcle de la Saône, un journaliste de 1789 s’exclame : « Je ne sais s’il s’est vu un spectacle si propre à consterner, et en même temps plus digne d’admiration : on peut le dire, c’était une belle horreur. » Au théâtre, on aime à représenter des catastrophes réelles ou fictives : Le Tremblement de terre de Lisbonne, de Marchand dès 1755 ; L’Incendie du Havre, fait historique en un acte, de Desfontaines en 1786, ou encore le Jugement dernier des rois de Sylvain Maréchal et son volcan révolutionnaire de 1793.
Les catastrophes sont également l’objet d’une intense récupération idéologique. Bien avant que le maréchal de Mac-Mahon ne prononce son fameux « Que d’eau ! Que d’eau ! » devant les crues de la Garonne en 1875, les chefs d’État avaient compris que leur place était autant sur le lieu des désastres que sur les champs de bataille. L’Église n’est pas en reste : une affiche représente l’archevêque de Lyon sauvant un enfant emporté par les flots de la Saône en 1840. (Ces trois paragraphes sont des extraits de la présentation de l’exposition)
  Colloque international « Ã‰crire la catastrophe au XVIIIe siècle », Lyon 20-22 janvier 2005 colloque organisé par le Centre d’études du XVIIIe siècle (L’UMR LIRE, université Lumière-Lyon 2) en parallèle (et pour le lancement) de l’exposition « QUELLE CATASTROPHE ! L’invention du désastre médiatique ».
Présentation du colloque) :
Le « désastre de Lisbonne » a marqué le XVIIIe siècle : l’histoire des idées, des sciences et de la littérature en témoignent (les échos de cet événement chez Voltaire et Rousseau, entre autres ont beaucoup été étudiés). En 2005, année des 250 ans de cet événement, nous souhaitons nous interroger sur un thème large qu’il appelle : la catastrophe (entendue au sens moderne). L’appel à communication décrit ainsi ce projet :
À partir d’un travail en cours sur la grande peste de Marseille de 1720 et à l’occasion du 250e anniversaire du tremblement de terre de Lisbonne, le Centre d’étude du XVIIIe siècle de Lyon (UMR LIRE), en collaboration avec l’université de Genève, propose une réflexion plus large sur l’idée de catastrophe au siècle des Lumières.
On prendra « catastrophe » dans une acception délibérément anachronique qui comprend en partie celles de « désastre » et de « calamité » : un événement naturel inattendu, même s’il peut être récurrent, qui, dans un temps limité, bouleverse toutes les classes d’une société (séisme, éruption, inondation, incendie, épidémie....).
Moins « fin malheureuse » que commencement, la catastrophe ainsi entendue est d’abord productrice de désordre mais aussi d’un nouvel ordre, celui du discours, que l’on pourra aborder selon trois axes : la circulation de l’information (officielle ou non) ; les représentations (immédiates ou différées) ; l’explication et l’exploitation idéologiques.
Le thème du colloque, qui intéresse le monde contemporain au moins autant que celui du XVIIIe siècle, s’adresse à un public nombreux, notamment à travers la conférence de Jean-Pierre Dupuy que nous invitons à la bibliothèque municipale de Lyon pour l’inauguration de l’exposition que nous organisons sur le thème du colloque.
Programme du colloque

  Débat organisé à Blois en 2001 : « Du déluge au réchauffement de la terre : les catastrophes naturelles dans l’histoire »
Comptes rendus du débat :
Académie de Rouen
Académie d’Aix Marseille
  GRESIL : Groupe de Recherche sur l’Indicible en Littérature
Responsable : J.-P. Goldenstein, Professeur de Littérature française, Université du Maine,
[email protected]
Le Groupe de Recherche sur l’Indicible en Littérature (GRESIL) entend mener des recherches sur les différentes formes langagières de l’extrême. L’étude de l’" extrême " vise à comprendre comment des scripteurs confrontés à une expérience limite ont cherché à écrire l’in-scriptible. Par expériences limites on entend des catastrophes naturelles (peste, séisme, éruption volcanique...), des massacres (guerres de religion, carnages, violations de la loi...), des révolutions (1848, Commune...), les formes modernes de génocides (littérature de la Shoah...), etc. A contrario ce travail permettra de dégager, époque par époque, les principales pratiques normées du dicible, de l’inscriptible. Ce travail prendra pour objet aussi bien des formes littéraires que non-littéraires (énoncés fonctionnels, écrits juridiques, historiques, politiques, etc.) et adoptera une dimension tant diachronique (de l’Antiquité à nos jours) que transnationale. (Information publiée sur le site Fabula en décembre 2000)

C. Une catastrophe majeure, mais bien oubliée : dans les îles de la Caraïbe

Je restitue intégralement le message d’un colistier, Claude Thiébaut.

Une catastrophe majeure, mais bien oubliée.
Il s’agit d’un tremblement de terre. Jusqu’à celui du Chili en 1960, ce fut le plus fort qui ait frappé les Amériques. Il a entraîné des dégâts dans toutes les îles de la Caraïbe. L’épicentre se situait en effet en mer, face à la Guadeloupe, côté Atlantique, devant la ville du Moule. C’était le mercredi 8 février 1843, en fin de matinée.
Effondrement de la plupart des bâtiments en pierre dans la Grande-Terre, notamment les moulins du Père Labat (qui travaillaient la canne à sucre), effondrement de la plupart des bâtiments publics et maisons en pierre de Pointe-à-Pitre. Pas de tsunami mais un incendie à Pointe-à-Pitre (15.000 habitants) va détruire la plupart des maisons de bois, d’où plusieurs centaines de personnes brûlées vives, prisonnières des décombres, piégées dans des impasses, etc. Traumatisme énorme. Attitude exemplaire du Gouverneur, Augustin Gourbeyre, ainsi que du Maire de la ville, Champy, et de son premier adjoint, Anatole Léger (le grand-oncle du futur Saint-John Perse). Bilan : on ne sait pas trop. Les chiffres qui circulent alors sont exagérés (3.000 morts), mais c’est que le traumatisme a été énorme.
Vous voulez tout savoir ou presque, sans rien chercher :
Lire La Pointe-à-Pitre n’existe plus !, collectif, dirigé par Jacqueline Picard, paru 2003 en Guadeloupe aux éditions Caret, BP 165, 97190-Gosier, ISBN : 2-912849-05-5. Sous-titre : Relations du tremblement de terre de 1843 en Guadeloupe. Plan thématique. Illustrations. Index.
A noter, pour les littéraires, le chapitre "Le verbe inspiré des poètes". C’est une anthologie de textes en vers et en prose consacrés à l’événement. On y trouve, au milieu de parfaits inconnus, Jules Verne et Saint-John Perse (pour "Histoire du régent", qui est une évocation masquée mais très documentée de la catastrophe) : on a brûlé les cadavres sur la Place de la Victoire, on en a précipité à la mer, ou dans des fosses communes au Morne-à-Savon, etc.).
Vous voulez associer les élèves à la recherche :
Tous les journaux et revues de métropole, du jour où l’information y parvient (à partir du 11 mars 1843), consacrent des articles à l’événement. L’Illustration, qui vient d’être lancée (le 1er mars), inaugure le 15 mars la page de Une qui fondera son succès, avec grande gravure de la ville en feu.

Possibilité d’un travail interdisciplinaire :
  dimension scientifique : épicentre, hypocentre, magnitude, intensité, échelles de Richter et autres...
  l’évolution des médias : gros titres, illustrations, surenchère et concurrence entre tous les journaux.
  avec les linguistes : la catastrophe dans la presse internationale.
  dimension économique : la catastrophe est "providentielle" pour les promoteurs des "Usines centrales" qui, de fait, vont remplacer les vieux moulins de pierre.
  dimension économique et politique : à un moment où il est question au Parlement de fermer les usines de sucre en France (sucre « indigène », = de betterave) pour favoriser le sucre antillais ; c’est le projet du Roi, il ne passera pas.
  dimension politique et sociale : la marche vers l’abolition de l’esclavage sous Louis-Philippe (nombreux affranchissements, car les esclaves ont eu une attitude admirable, aucun pillage, maîtres blancs sauvés par des esclaves ; contre-argumentation : pourquoi les émanciper, leur comportement montre bien que les bons esclaves aiment leurs bons maîtres).
  dimension politique internationale : les relations « horizontales » (secours importants, immédiatement envoyés par les colonies voisines, anglaises, espagnoles, danoises, américaines, etc.), met à mal le lien privilégié avec la France (régime de l’Exclusif).
  dimension religieuse : exploitation dans toutes les églises de France sur fond d’immoralité vaincue par Dieu, qui est bon et juste même si ses desseins sont impénétrables. Argumenter, convaincre...
  dimension patrimoniale : reconstruction de la ville selon un plan amélioré, reconstruction de l’actuelle église Saint-Pierre et Saint-Paul avec mise en Å“uvre de la technique Eiffel (structure métallique).
  dimensionraciale : hommage unanime, par delàles classes et les « races », au Gouverneur Gourbeyre, un Auvergnat, pour son rôle déterminant dans la gestion des secours et le redémarrage de la vie sur l’île ; hommage de toute la population lors de sa mort deux ans plus tard, en juin 1845 ; encore une manifestation d’unanimité lors de l’inauguration de sa statue, en 1847... Comment n’y pas voir une des explications du fait que l’abolition officielle de l’esclavage, en 1848, se passera en Guadeloupe sans problème majeur, à l’inverse des drames que connaîtra la Martinique ?
  question sur la mémoire et le travail des historiens : pourquoi l’éruption de la Montagne Pelée et la destruction de Saint-Pierre en mai 1902, en Martinique, ne sont-elles jamais sorties des mémoires ? D’où un colloque en 2002, d’où d’innombrables publications, alors que jusqu’à ces dernières années, la catastrophe de 1843 en Guadeloupe est passée aux oubliettes. Elle n’a commencé à en sortir qu’en 1987 (mémoire de maîtrise d’histoire à l’Université des Antilles-Guyane, communication au colloque Saint-John Perse).
Tant et tant d’autres aspects à explorer.
Un lien (GHC)
Un autre (forum du Monde)
J’envoie en privé à qui me le demande les documents dont je dispose. Merci de bien préciser votre demande. Claude Thiebaut


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Pour tout renseignement, écrire à :
[email protected]

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